Le valeureux et regretté Me Mahmoud Khellilli, le célèbre défenseur des droits de l'homme des années de plomb, défendait un jour un juge d'instruction victime d'un délit provoqué, devant la terrible Latifa Kessenti, la présidente de chambre de la ville des Roses. L'avocat s'approcha du pupitre des magistrats et jurés et pria le tribunal criminel de bien suivre les questions préjudicielles qui vont suivre. Kessenti dit, en guise de paravent à l'avocat, qu'elle connaissait très bien: «Maître, le tribunal est toute ouïe devant n' importe quel intervenant! Allez-y donc! «La malheureuse juge connaissait bien les sorties du défenseur et pourtant, elle n'avait aucune idée de ce que pouvait pondre le vieux conseil, dans un tout petit instant. Follow me! Me Khellilli respira un bon coup et lança: «Je veux demander, au nom de mon client, ici, devant toute l'assistance, la présence souhaitée du procureur général près la cour de Blida, du colonel du DRS et du président Liamine Zéroual. Leur présence est vitale pour l'acquittement de l'accusé!» Kessenti accusa le coup, fit mine de tout transcrire, leva la tête, histoire de montrer à l'assistance et déclara tout haut, comme si elle voulait rappeler à l'avocat qu' elle avait tout suivi et prête au combat avec cet «ogre» de Khellilli: «Est-ce tout Maître? Vos demandes seront jointes au dossier, dit rapidement la magistrate, vite interrompue par le défenseur... - Mais, madame la présidente, j'aurais voulu que vous me répondiez sur le champ, car, en cas de convocation, j'aurais demandé la liberté provisoire pour mon client en attendant la prochaine audience. - C'est cela, Maître, nous allons convoquer la moitié du gouvernement pour faire la lumière sur un présumé magistrat pris en flagrant délit de corruption par le procureur général en personne! clame la magistrate, décontractée comme jamais elle ne l'aura été. - Le contraire m'aurait étonné! s'exclame, le sourire en coin, le défenseur, plutôt amusé que contrarié. Le défenseur allait rire longtemps après le verdict (3 ans d'emprisonnement ferme pour corruption avérée). Quelques années après la disparition prématurée de Me Mahmoud Khellilli, le secteur a avancé à pas de géant, permettant aux magistrats d'aujourd'hui d'avoir ce que les aînés n'ont jamais obtenu.