La France doit élaborer une loi spéciale pour les victimes des essais nucléaires en Algérie, a plaidé Me Fatma Benbrahem. La révision de la loi du 31 juillet 1963 par le Conseil constitutionnel français le 8 février dernier pour faire bénéficier les non-Français des indemnisations prévues pour les victimes de la guerre d'Algérie est, selon Me Fatma Benbrahem, insuffisante. L'avocate qui intervenait hier au Forum d'El Moudjahid à l'occasion de la commémoration du 58ème anniversaire des essais nucléaires dans le Sahara algérien, a indiqué que cette loi ne profitera pas aux victimes des essais nucléaires. «La raison est que ladite loi ne prévoit dans ses articles que l'indemnisation des personnes habitant dans un périmètre de 100 kilomètres des lieux des essais. En outre, cette loi ne prévoit, dans la nomenclature des maladies concernées par l'indemnisation, que 16 maladies. Par ailleurs, la loi en question ne prévoit que l'indemnisation des victimes de la période 1954-1962. Or, les victimes des essais nucléaires ont continué à être enregistrées jusqu'à 1965», a déclaré l'invitée d'El Moudjahid, faisant remarquer que la loi des Etats -Unis en la matière prévoit l'indemnisation des personnes habitant sur un périmètre de 700 km (de Hiroshima et de Nagasaki) et une nomenclature de 36 maladies. Selon Me Benbrahem, la France ne pourra réparer son injustice à l'égard des victimes de ses essais nucléaires en Algérie que si elle revoit la loi de 1963 de sorte qu'elle prévoie l'indemnisation des victimes habitant sur un périmètre de 14 00 km et une nomenclature de 36 maladies, ainsi que l'inclusion des victimes de la période post-indépendance. Ces revendications ne sont nullement exagérées, précise l'invitée d'El Moudjahid. «Car les victimes des essais nucléaires ont été enregistrées même dans le nord du pays. Pis encore, ces dernières continuent à être enregistrées jusqu'à maintenant», dira-t-elle. Interrogée par ailleurs sur le fait de ne pas ester la France devant les instances juridiques internationales pour ses crimes en Algérie, Me Benbrahem a souligné que cette voie sera le dernier recours pour les Algériens. Pour Me Benbrahem, l'Algérie a le choix d'ester la France devant deux types d'instances internationales: judiciaires et environnementales. «Les essais nucléaires dans le Sud algérien sont à la fois des crimes contre l'humanité et contre l'environnement», a-t-elle souligné, en mentionnant que cette démarche aboutira en un temps record au cas où les autres pays, particulièrement africains, adhèrent à la thèse algérienne. En attendant le recours à cette voie, le dossier nucléaire est en bonnes mains, l'Etat algérien en l'occurrence. L'invitée d'El Moudjahid qui est revenue auparavant longuement sur le début du combat pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires pour la première fois en Algérie, soit en 2001, a exhorté les autorités publiques à instaurer la journée du 13 février Journée nationale des victimes des essais nucléaires. Intervenant de son côté à cette occasion organisée, pour rappel conjointement par le quotidien El Moudjahid et l'association Mechaâl Echahid, le vice-président de l'association Tirourda de Tamanrasset, Touhami Abdelkrim, a dit que le pas franchi par la France est à saluer. Néanmoins, le débat sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires ne fait que commencer, explique Touhami, car c'est maintenant qu'il faut frapper fort et demander le maximum. «Les retombées des essais nucléaires n'ont épargné ni l'humain ni les animaux ni la végétation», indiquera-t-il, ajoutant que son association va demander désormais à la France à ce qu'elle indemnise toutes les victimes et de remettre aux habitants du Sud le plan des régions touchées par la radioactivité. Pour sa part, le Coordinateur national des victimes des essais nucléaires post-indépendance Mahmoudi, a souligné lors de son intervention que sa coordination en compte 738. «Ces dernières souffrent toutes de maladies incurables». Le Coordinateur national a fait savoir que sa structure a contacté les autorités françaises et ces dernières ont répondu favorablement. «Cependant, elles ont exigé des bilans médicaux en France. La coordination a rejeté cette proposition et a exigé que ces bilans soient faits en Algérie», fera-t-il savoir. La France veut, selon Mahmoudi, seulement effectuer des études médicales. Notons que le nombre d'essais nucléaires effectués au Sahara algérien sont au nombre de 17: quatre essais dans la région de Reggane et 13 dans le mont de Ain Ikker. Le poids des bombes atomiques testées dépasse de très loin le poids des bombes atomiques utilisées à Hiroshima et à Nagasaki.