Ce responsable a fait montre de beaucoup d'audace pour faire la critique de son parti. Invité sur les plateaux de la chaîne arabe satellitaire Démocratie, Djaâfar El Houari, leader islamiste installé à Londres, reconnaît que le FIS «avait commis beaucoup d'erreurs» et que la réconciliation nationale, vaste projet politique lancé par le président de la République Abdelaziz Bouteflika envers les islamistes, «représente une opportunité historique à saisir». Emboîtant le pas à Abassi Madani, qui, à partir de son exil à Kuala Lumpur, avait fait l'éloge de la réconciliation et demandé à ce qu'on «donne sa chance à la paix en Algérie», Djaâfer El Houari n'a pas tari d'éloges de l'amnistie générale et la réconciliation nationale, dans une tentative évidente de s'insinuer dans le jeu démocratique avec l'aplomb d'un démocrate. Participant au débat sur la réconciliation en Algérie, Abderrezak Mokri, un des leaders du MSP, et un de ceux qui avaient tenté un rapprochement entre le pouvoir et le FIS, en 1994, ne trouvait pas assez de mots pour qualifier «la courageuse position de Djaâfer El Houari, dans un contexte caractérisé par l'attentisme». Ancien président de la «Fraternité algérienne en France» (FAF), dont il est un des fondateurs avec Moussa Kraouche et Ahmed Boudjaâdar, il représentait aussi le Front islamique du salut dans l'Hexagone. Djaâfar El Houari a été touché par la vague d'arrestations qui a ciblée, dès 1994, des islamistes algériens installés à Paris. En 1986, comme beaucoup d'autres leaders du FIS, il s'installe à Londres, le «Londonistan», capitale d'un royaume réputé pour être l'incarnation de la démocratie, où il vit depuis lors, aux côtés d'autres islamistes algériens radicaux de la trempe de Kamereddine Kherbane, Abdellah Anas, Mohamed Denideni, Ahmed Chouchane, etc. Il y a quelques mois, et à la faveur du nouveau débat, à l'époque, sur la réconciliation, Kherbane et Anas, deux anciens du MAK Afghan («Makteb el Khadamat»), avaient montré de nouvelles dispositions pour le rétablissement d'une réconciliation politique en Algérie. Bien qu'il partage les erreurs de la «décennie terroriste» entre les islamistes du FIS et le pouvoir de l'époque, Djaâfar El Houari est bel et bien le premier des leaders du parti dissous vivant en exil à s'exprimer sur les erreurs commises par son parti et à en endosser une bonne partie. Avant lui, des ex-leaders vivant en Algérie avaient fait leur mea-culpa politico-religieux : Hachemi Sahnouni, Ahmed Merrani, Bachir Fkir, Ali Ayya, Mohamed Kerrar, etc. Durant la même émission, Abderrezak Mokri devait dévoiler cette information, restée longtemps hors de portée du grand public: en 1994, quatre leaders du MSP, dont Mokri et Boudjerra Soltani, ont rendu visite à deux leaders du FIS. Ali Djeddi et Abdelkader Boukhamkham, pour leur signifier que le chef de l'Etat, Liamine Zeroual, acceptait de libérer tous les leaders du FIS emprisonnés (Abassi Madani, Ali Benhadj. Ali Djeddi, Abdelkader Boukhamkham, Noureddine Chigara, Kamel Guemazi, Omar Abdelkader et Abdelkader Hachani, Ndlr) et leur permettrait l'activité politique sous un autre sigle que le FIS, moyennant deux seules et uniques conditions: la direction du parti devrait se défaire de son ancienne appellation et se démarquer de façon claire et sans aucune ambiguïté des actes de violence et des groupes armés. Ce ne fut jamais fait. Pourquoi? Si le «débat concordiste» est mené à l'étranger de manière sérieuse et rigoureuse, il semble bien qu'en Algérie, les choses piétinent, bien que, de manière quasi certaine, le président de la République ait délibérément laissé la décantation se faire tant au niveau des partis politiques qu'au niveau de la société pour avoir une vision plus nette et plus variée à propos de la réconciliation nationale, et de tout ce qui se dit à ce sujet dans tous les segments du quotidien en Algérie. La seule structure «semi-officielle» qui a pris corps dans cette perspective avait été la Commission nationale pour l'amnistie générale (Cnag), et on sait aujourd'hui où en sont arrivées les choses: c'est une commission éclatée en trois mouvements distincts, qui s'entre- déchirent et s'accusent de détournements d'argent. Les partis, pour leur part, et en l'absence d'objectifs clairs définissant les visées de l'amnistie, font du suivisme populiste, puisant largement dans les formules théologiques et les credos nationalistes et fédérateurs, sans que rien de concret ne soit proposé qui puisse constituer une base de données, une plate-forme minimale de départ. De toute façon, le président de la République prendra lui-même, dans les tout prochains jours, les initiatives qu'il jugera les plus aptes à concrétiser la réconciliation nationale, dont notamment un référendum sur l'amnistie générale.