Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a accédé ainsi à une requête des archs. Officialisation de tamazight sans référendum, primauté du politique sur le militaire, révision des codes communal et de wilaya, prise en charge totale de la plate-forme d'El-Kseur, délocalisation des brigades de Gendarmerie nationale et enfin réouverture du procès de l'assassinat du jeune Massinissa Guermah, ont été les principaux points auxquels a abouti la dernière rencontre entre le Mouvement citoyen des archs et communes et le gouvernement. Une rencontre devant être consacrée initialement au bilan de plusieurs rounds et à l'officialisation de tamazight, point d'achoppement entre les deux parties et ayant entraîné la suspension du dialogue en septembre 2004. Concernant le procès du jeune Massinissa Guermah, assassiné le 18 avril 2000, à l'âge de 19 ans à la suite de coups de feu reçus d'une arme semi-automatique, dans les locaux de la brigade de Beni-Douala de la Gendarmerie nationale, les deux parties se sont mises d'accord pour la réouverture incessamment du dossier par le tribunal de Tizi-Ouzou où aura lieu le procès du gendarme incriminé, apprend-on auprès d'une source proche de la délégation des archs. La même source ajoute que le gouvernement a d'ores et déjà instruit le procureur près le tribunal de la République de Tizi Ouzou de prendre les mesures nécessaires pour la réouverture du dossier du gendarme présumé assassin. Cependant, aucune information n'a été avancée quant au sort réservé aux autres auteurs des 124 victimes. Gageons que cette omission sera corrigée au plus tôt afin de ne pas créer un précédent dans les annales judiciaires. Pour rappel, lors du premier procès une peine de deux années de prison ferme a été prononcée à l'encontre du gendarme incriminé par le tribunal militaire de Blida. Un verdict jugé clément aussi bien par Khaled Guermah, père de la victime, que par le Mouvement des archs qui avait rejeté dans le fond et dans la forme le procès de l'assassin présumé de Massinissa Guermah exigeant «les jugements par les tribunaux civils de tous les auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes et leur radiation des corps de sécurité et des fonctions publiques». D'après le rapport de la commission Issad, nommée par le gouvernement et ayant enquêté sur cet incident, des éléments des forces de sécurité qui ont témoigné, ont déclaré que les coups de feu étaient partis de façon involontaire, alors que l'arme a glissé de la main du gendarme, le mécanisme de sécurité n'étant pas enclenché. Selon un rapport émanant d'Amnesty International, cette version a été contredite par un témoin qui a déclaré avoir entendu Massinissa Guermah crier son innocence avant que les coups de feu fussent partis. Dix jours après la mort de Guermah, la gendarmerie locale a rendu publique une déclaration selon laquelle l'officier responsable de la mort de Guermah était traduit en justice. Le gouvernement avait désigné deux différentes commissions pour enquêter sur la mort de Guermah et la violence qui s'en est suivie, dont l'une est composée de membres de l'Assemblée nationale. Le rapport de la commission dirigée par Mohand Issad a trouvé la version donnée par les forces de sécurité sur la mort de Guermah «pas satisfaisante», et a accusé la gendarmerie d'avoir fait usage excessif de la force en réprimant les manifestations tout en révélant que les unités ont agi sans ordre. Le rapport a critiqué en outre le manque de coopération des forces de sécurité. Avec la réouverture du dossier par le tribunal de Tizi Ouzou, c'est un pan de l'histoire contemporaine de l'Algérie qui sera réhabilité. D'ailleurs à l'occasion du quatrième anniversaire de la mort de Massinissa Guermah, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, accompagné de Djamel Ould Abbas, ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, s'est rendu au village de Aguouni Arrous, dans la commune de Aït Mahmoud dans les Ath Douala, pour se recueillir sur la tombe de la première victime du Printemps noir. Un geste symbolique hautement apprécié par la population qui avait voulu montrer son attachement à l'unité nationale et taire, ainsi, les prédateurs et ceux qui font des tombes un fonds de commerce pour leur sale besogne. Une télévision en tamazight Sur un autre plan, les deux parties ont convenu de l'officialisation de tamazight sans référendum. «L'officialisation de tamazight n'est plus un problème qui désunit les Algériens mais deviendra un ciment qui les unira», aurait assuré le chef du gouvernement. Cependant, la manière de son officialisation demeure sujette à un débat futur au sein des institutions de l'Etat, ajoute-t-on. D'ores et déjà, il a été convenu du lancement d'une chaîne de télévision, en TNT, d'ici 2007. En attendant, le créneau horaire des émissions en tamazight sera revu à la hausse. En effet et bien avant décembre prochain, les trois chaînes nationales émettront chaque jour et pendant deux heures en tamazight. Par ailleurs, l'enseignement de tamazight sera obligatoire à partir de la 4e année primaire dans les régions où la présence d'enseignants spécialisés sera assurée. En conséquence, tamazight deviendra dans trois ans une matière obligatoire lors des examens de BEF et du Bac. Pour ce faire, l'Etat s'engage à la formation de mille enseignants en tamazight d'ici septembre prochain. Leur formation sera assurée par le Conseil supérieur de la promotion de tamazight. Actuellement, leur nombre est de 400 seulement. Yennayer fête nationale Le nouvel an amazigh sera dorénavant inclus dans le registre des fêtes nationales légales, ajoute la même source. Le décret devant proclamer la journée du 12 janvier chômée et payée devra être adopté par les deux chambres parlementaires lors de la prochaine session d'automne. Attendu après la suppression du 19 Juin, fête du redressement révolutionnaire, de la liste des fêtes nationales légales, en vue de parachever le processus de réconciliation nationale et de s'adapter à l'évolution politique que connaît l'Algérie, conformément aux principes du pluralisme politique consacrés par la Constitution, Yennayer remplacera ainsi cette journée de repos. D'ailleurs, cela risque de susciter de vives polémiques dans les prochains jours. Et pour cause, Belaïd Abrika, le porte-parole de la délégation des archs, avait affirmé à l'occasion de la conférence de presse animée le 16 mars dernier au Palais du gouvernement, que «Yennayer sera chômée et payée dès l'année prochaine». Il avait, à ce sujet, ajouté que «cette décision a fait l'objet d'un accord conclu entre le gouvernement et les archs». La primauté du politique Dans le même sillage, la même source avance que les deux parties ont abouti au principe de la séparation du politique du militaire. Un principe déjà énoncé dans la plate-forme du congrès de la Soummam. Néanmoins, sa mise en oeuvre ne sera effective qu'après la révision des codes communal et de wilaya prévue normalement pour la rentrée sociale. De ce fait, le gouvernement prouve sa bonne foi quant au deal conclu avec les archs, notamment la sixième incidence sur les «indus» élus. Dans le même ordre d'idées, notre source n'exclut pas la possibilité d'étendre la dissolution des APC et APW aux wilayas de Bouira et de Sétif. Délocalisation des brigades de gendarmerie L'autre point débattu a trait à la délocalisation des brigades de Gendarmerie nationale. A ce sujet, notre source affirme que cette question devrait être réglée définitivement dans les prochains jours. Le principe étant acquis. Les brigades de Gendarmerie nationale seront remplacées par des unités spécialisées. A titre d'exemple, la wilaya de Béjaïa sera dotée de pas moins de 17 unités de brigades mobiles de la police judiciaire (Bmpj). La gendarmerie conformément au programme du gouvernement retrouvera sa fonction initiale de garde républicaine et des frontières. En conclusion, c'est toute la plate-forme d'El-Kseur qui est satisfaite. Une résolution entrant en droite ligne de la politique de réconciliation nationale prônée par le chef de l'Etat et qui commence à donner ses premiers fruits.