L'optimisme de M.Talabani s'est avéré non fondé, la finalisation du projet de Constitution étant reportée à aujourd'hui. Les déclarations rassurantes du président Talabani faites samedi se sont révélées sans fondement, les négociateurs devant encore plancher sur leur copie pour trouver un consensus aux points sur lesquels l'accord demeure en suspens. Deux points en fait suscitent la levée de boucliers: la place de l'islam et le fédéralisme. Pour ce dernier point, il n'y eut pas d'accord de fait sur la question mais un accord de principe qui demande cependant à être encore travaillé et approfondi. A juste raison, le fédéralisme éveille l'appréhension chez les sunnites qui craignent un démembrement de l'Irak, surtout après la déclaration du chef politique des chiites, Abdel Aziz Al-Hakim, réclamant l'autonomie pour les régions chiites du sud (riche en pétrole) et le centre. A cela s'ajoute la demande par les Kurdes du «droit à l'autodétermination» compliquant un peu plus une situation déjà suffisamment embrouillée. Cela ajoute à la confusion sur un principe, le fédéralisme, qui risque de mettre à mal l'unité de l'Irak, surtout s'il est abordé de manière aussi précipitée comme cela semble avoir été le cas dans le débat sur la Constitution. De fait, de nombreux participants aux débats ont estimé problématique un compromis pour dimanche (hier), après les déclarations du président Talabani. D'aucuns estimaient, d'autre part, que l'optimisme de M.Talabani était quelque peu en porte-à-faux par rapport à la réalité des débats et rien n'indiquait, hier, que le document serait bouclé dans les temps impartis. Partie prenante de la crise irakienne, les Etats-Unis ont poussé les Irakiens à finaliser le document avant la date butoir, ne semblant pas prendre en compte, ou vouloir le faire, la complexité de la composante communautaire irakienne. Or, une Constitution, qui est la loi fondamentale d'un Etat, ne s'écrit pas au pas de course et doit, à tout le moins, faire l'objet d'un minimum de consensus pour permettre un (des) compromis intelligent qui ne lèse aucune partie. De fait, l'ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalizad, a dû se rendre à l'évidence que, dans le meilleur des cas, un accord définitif, sur les points en litige, ne serait pas prêt avant aujourd'hui, -échéance sine qua non pour le dépôt du document devant le Parlement-. Dans une déclaration à la chaîne américaine ABC, M.Khalizad en a fait le constat: «Nous allons devoir attendre jusqu'à demain (aujourd'hui)», se déclarant néanmoins confiant sur les chances de voir un texte présenté aujourd'hui au parlement, conformément au calendrier prévu. «Ils ont l'intention de finir demain (aujourd'hui). Nous devons attendre, mais ils ont à leur disposition certaines options», a ajouté le diplomate américain, sans préciser toutefois à quelles options il fait référence. Or, hier il n' a y avait (apparemment) pas de nouveau comme l'indiquait d'ailleurs le député kurde Mahmoud Osmane qui affirmait qu' «il n'y a pas de nouveaux résultats». Pour sa part la députée chiite Mariam Al-Rayes indiquait hier que malgré un accord de principe, «la distribution des richesses et la question de l'autodétermination» continuent à être discutées. «Les kurdes veulent aussi mentionner le droit à l'autodétermination dans la Constitution, mais nous défendons le fédéralisme à condition que le pays reste uni et qu'aucune région ne fasse sécession», a-t-elle expliqué. De fait, des centaines de manifestants kurdes réclamaient hier à Kirkouk le retour de la ville aux Kurdes et le droit à l'autodétermination -avec à terme l'indépendance- ce qui fausse quelque part le sens que les leaders irakiens kurdes et chiites veulent donner au fédéralisme. Cela renforce en fait les craintes exprimées par les sunnites peu convaincus par les assurances données par leurs interlocuteurs kurdes et chiites. C'est ainsi que le sunnite Saleh Al-Motlak, invité aux débats, rejette le principe même du fédéralisme indiquant: «Nous n'accepterons pas le fédéralisme (...) Cette question est pour nous une ligne à ne pas franchir car elle touche à l'unité de l'Irak et nous ne ferons pas de compromis». Quant aux propos du président Talabani annonçant samedi des progrès sur les 18 points en litige, M Al-Motlak a été catégorique «le progrès a été réalisé entre eux (les kurdes) et l'AUI (Alliance unifiée irakienne, chiite), et non pas sur la base d'un compromis de toutes les parties» ajoutant: «Une Constitution ne s'écrit pas en quelques heures et tout texte incomplet ne sera pas représentatif du peuple irakien». Il conclura par ces mots «sauf miracle, il n'y aura pas d'accord aujourd'hui (hier)». Ce qui a été le cas. Les péripéties autour de la Constitution ont renvoyé au second plan les conditions sécuritaires toujours aussi précaires. Ainsi, six GI's ont été tués lors des 48 dernières heures dans des embuscades ou des échanges de tir avec les rebelles. D'autre part, 30 corps d'Irakiens mutilés, dont ceux de deux , ont été découverts hier dans une fosse commune au sud de Bagdad. Les autorités irakiennes n'ont donné aucune indication sur l'identité des victimes ni les circonstances dans lesquelles elles avaient été tuées et enterrées.