«Dans l'amitié, ménage une petite place pour la brouille et dans la brouille, une autre pour la réconciliation.» Comment rallier au processus de réconciliation nationale une frange de la société sur la défensive et qui ne semble pas près d'oublier? Tel est le nouveau défi que se lance le président de la République à travers son projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Un défi à la hauteur de l'enjeu: la paix. Quant on sait que la démarche du président vise avant toute considération politique à unir les rangs des Algériens et refuser toute désunion et haine en insistant sur la valorisation de cette initiative dans toutes ses portées pour une ère nouvelle, il n'est pas exclu de voir les forces nationales se mobiliser pour la réussite du processus en question. Or, un adage populaire dit «dans l'amitié, ménage une place pour la brouille et dans la brouille, une autre pour la réconciliation». Cet adage les Algériens semblent l'avoir fait leur. Pour preuve, le discours du chef de l'Etat a suscité, d'ores et déjà, des échos favorables auprès des différentes franges de la société civile ainsi que des forces sociales et politiques. D'autant, comme le souligne l'expert international, Abderrahmane Mebtoul, des défis importants attendent l'Algérie, principalement «ceux d'une transition véritable qui doit voir la poursuite de la stabilisation macroéconomique, la mise en oeuvre de véritables réformes structurelles et la modernisation de notre système politique pour renouer avec le développement et la démocratie». Et cette transition vers la modernité nécessite l'adhésion de tous, comme ne cesse de le rappeler le premier magistrat du pays: «La réconciliation est une question qui concerne tout un chacun, et non pas un individu, un parti ou une catégorie de la société» De la réussite de ce projet d'envergure, l'implication de la société civile aux côtés des partis politiques est plus que nécessaire et primordiale afin de contribuer au succès du référendum. Un projet qui arrive à point nommé pour réconcilier les citoyens avec leur algérianité et panser les blessures léguées par l'histoire. Sur ce point, l'expérience sud-africaine est à méditer à plus d'un titre. Une expérience aussi originale sur le plan juridique qu'éprouvante pour les victimes (en majorité noires) et les bourreaux (blancs pour la plupart) du régime de discrimination raciale sud-africain. Le principe en était simple: bénéficieraient d'une amnistie tous ceux qui viendraient devant la commission «confesser» en quelque sorte leur s - il s'agissait surtout de membres de la police qui avaient torturé, et parfois tué, des militants des mouvements de libération noirs, principalement le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela. L'amnistie des requérants était soumise à deux conditions : d'abord ne rien omettre de leurs crimes et délits dans leur déposition, ensuite avoir agi sur ordre de leur hiérarchie tout en croyant servir un «objectif politique » (une prétendue défense de la race blanche, par exemple). Contrairement à ce qu'avait publiquement craint l'ancien président Frederik De Klerk, la révélation des sévices souvent atroces infligés par les bourreaux n'a pas entravé la réconciliation entre les communautés noire et blanche. Aujourd'hui, le pays de Nelson Mandela est devenu en un laps de temps une référence en matière d'émancipation et de réconciliation. C'est cette dernière qui a également permis à l'Afrique du Sud de devenir une autre référence en termes de développement socio-économique. C'est cet aspect-là que les Algériens devraient prendre en considération, car la réconciliation est un passage obligé vers la reconquête de l'unité nationale et la réalisation d'un développement durable en faveur des réformes politiques et socio-économiques face aux enjeux de la mondialisation basées sur l'équité sociale. Ce n'est qu'ainsi que s'achèvera le processus de réconciliation nationale engagé par le chef de l'Etat, à l'entame de sa première mandature, et réussir à la catharsis qu'il s'était fixée comme objectif. Car comme le dit si bien la Kenyane, Wangari Maathani, prix Nobel 2005 de la paix: «Nous plantons les graines de la paix, maintenant et pour le futur »