Les discussions sur la loi fondamentale sont prolongées d'une semaine pour donner aux Irakiens le temps d'arriver à un consensus. Il n'y a pas eu de miracle lundi, délai de rigueur, pour la présentation au Parlement du texte de la loi fondamentale en débat par les leaders politiques irakiens depuis le 7 août. C'est par le biais d'un stratagème, consistant dans l'amendement de la Constitution provisoire, -permettant la prolongation du délai de remise d'une semaine-, que la crise politique qui couvait a été évitée. Provisoirement sans doute, tant il est patent que les points de vue entre Kurdes, chiites et sunnites sont par trop éloignés pour espérer un consensus dans un laps de temps aussi court. Il est vrai que l'adoption de la nouvelle Constitution est une étape cruciale pour la (re)fondation d'un Irak tel que voulu par les Etats-Unis. Il est patent aussi que l'Irak ne sera pas le pays qui inaugurera la «démocratie arabe modèle» préfigurée par Washington. De fait, la Maison-Blanche a revu à la baisse ses ambitions pour l'Irak et serait heureuse, et considérerait comme une victoire, une finalisation rapide du texte constitutionnel, même ne répondant qu'imparfaitement à ses voeux. Ainsi, l'ambassadeur américain à Baghdad, Zalmay Khalilzad, très actif dans l'élaboration du document, s'est résigné à ce qu'il ne soit pas remis dans les temps qui lui ont été impartis. Selon lui «l'un des gros problèmes de la situation actuelle est que les importantes communautés irakiennes ne sont pas d'accord sur l'avenir». C'est là une réalité cardinale de l'ancienne Mésopotamie, et le zèle de Washington n'y changera rien, à moins de vouloir changer des communautés forgées par l'histoire et figées dans leurs croyances. En fait, l'échec des discussions autour du texte constitutionnel était prévisible tant on semble avoir mis la charrue avant les boeufs et précipité les choses en voulant forcer le destin d'un pays qui n'a pas attendu la venue des Américains pour se prendre en charge. Hier, à Baghdad, on tentait surtout de minimiser l'impact du report de la présentation du document constitutionnel au Parlement. Ce dernier s'est d'ailleurs réuni, tard dans la nuit de lundi, pour amender la Constitution provisoire, seule option, la moins pénalisante aussi, à même de permettre une reprise des négociations. Celles-ci ont effectivement repris hier, et les leaders irakiens ont maintenant jusqu'au 22 août, nouvelle date butoir, pour trouver une solution à leurs divergences. Ce répit va donner aux parties de revoir leur copie et essayer de rapprocher leur vision sur le futur de l'Irak. Ce ne sera pas facile et nombre de participants aux négociations estiment qu'ils vont vivre une semaine cruciale. Crucial est effectivement le terme le mieux adapté à la situation présente d'un pays en butte aux pesanteurs d'un passé mal assumé. Ce n'est pas encore la crise, mais celle-ci peut surgir à tout moment d'autant plus qu'il semble difficile de concilier des positions aussi antagonistes tant sur la question du fédéralisme que sur la place de l'islam dans le futur Irak. Deux points sensibles et fondamentaux sur lesquels aucune partie ne veut céder et qui peuvent produire le clash tant redouté. Commentant les derniers développements de la situation, le Premier ministre irakien, Ibrahim Al-Jaafari, tout en rassurant sur l'état d'esprit des participants, après la prolongation d'une semaine des débats, a toutefois prévenu qu'il n'est pas question de souscrire à un nouveau report. Les leaders politiques et la commission de rédaction de la Constitution sont en fait au pied du mur et, à tout le moins, ne semblent pas avoir de choix outre que celui de finaliser un texte dont l'accouchement est plus que jamais problématique. Selon M.Al-Jaafari, les intervenants, lors des débats, ont exposé leurs avis, notamment sur le fédéralisme, le partage des richesses et la place de l'islam, points sur lesquels butent les négociateurs. Le chef du gouvernement irakien évoquant le fédéralisme en exemple indiqua que « certains veulent un fédéralisme total, d'autres un fédéralisme assorti de conditions, alors que d'autres encore le rejettent ». Il leur faut donc trouver un juste milieu entre ces trois options sur le fédéralisme en Irak. Ce sera dur. Mais M.Al-Jaafari se veut optimiste quant à une issue heureuse affirmant: «Nous aurions pu demander un report ouvert, ou d'un mois, mais je pense qu'une semaine est suffisante» et d'ajouter «j'ai de grands espoirs quant à une solution» ne voulant en l'occurrence retenir que les «nombreux points qui ont été réglés» grâce aux différentes parties politiques «qui ont fait des concessions maintenant il faut conclure, semble leur dire le mentor américain, un rien agacé. Prenant acte de ce contre-temps, le président Bush, de son ranch du Texas où il prend ses vacances, s'est néanmoins efforcé à applaudir « (...) les efforts héroïques des négociateurs irakiens et apprécie leur travail pour résoudre les problèmes par la négociation et le dialogue». On ne peut aller à l'encontre de la nature des choses et les Américains, comme l'indique avec pertinence un analyste, doivent faire avec une démocratie à l'irakienne qui sera hautement imparfaite et très limitée.