Le président de la FIFA avec le président russe, Vladimir Poutine, lors de la tournée du trophée de la Coupe du monde Elu par défaut à la tête de la FIFA grâce au report de voix de la CONCACAF, l'Italo-Suisse est soupçonné d'avoir taillé sur mesure les conditions de l'organisation du Mondial 2026 au trio Etats-Unis, Canada, Mexique au détriment du Maroc. Le 16 mai 2016, Gianni Infantino avait fait une brève apparition lors du 31e Congrès ordinaire de la Confédération nord-américaine, Amérique centrale et Caraïbes (CONCACAF) tenu dans un palace de Mexico au cours duquel il «avait scellé une alliance symbolique avec la CONCACAF», rapportait la presse. Elle peut se révéler aujourd'hui gagnante pour les adversaires du Maroc dans la course à l'organisation du Mondial 2026. Le président de la FIFA avait à cette occasion, salué l'intérêt du Mexique pour l'organisation de la coupe du monde 2026, mais il a rappelé que celle-ci est différente à l'époque où le pays les a organisées. Il avait aussi déclaré qu'il était particulièrement engagé dans les Caraïbes. «Sa passion pour le football m'a aidé à façonner mon programme de développement pour le football», avait-il dit. Après son entrée en fonction, Infantino avait en effet présenté le programme «FIFA Forward», qui accordait 10 millions de dollars par année à chaque confédération régionale. Le Canadien Victor Montagliani, un allié clé d'Infantino, qui a été élu président de la CONCACAF en mai 2016, utilise ces fonds pour financer une Ligue des Nations pour remplacer les matchs amicaux dans sa région. Le mouvement aidera les petites îles souvent inactives qui composent une grande partie de l'adhésion de la CONCACAF à jouer plus régulièrement mais a également cimenté l'union caribéenne du football. Ses 25 votes, traditionnellement flottants sont ainsi assurés pour le trio nord-américain. Plus tard quand Infantino avait évoqué plus concrètement la possibilité d'ajouter 16 équipes supplémentaires pour en faire un tournoi de 48 équipes. L'Afrique, l'Amérique du Sud, l'Europe et l'Asie ayant accueilli les Coupes du monde entre 2010 et 2022, «il était alors largement admis que ce serait le tour de l'Amérique du Nord pour la première fois depuis 1994», a indiqué un proche de la FIFA, rappelant le principe de la rotation, qui même désacralisé, demeure un argument à bien des égards. Une compression d'agenda taillée pour l'United Bid Après le processus d'appel d'offres pour les tournois 2018 et 2022, qui a déclenché des années d'enquêtes sur la corruption, la FIFA espère «un vote plus fluide pour 2026». Traduire «sans embûches pour les Américains», estime un proche du dossier qui révèle que la candidature du Maroc déposée in extremis a quelque peu enrayé les prédictions des soutiens de l'United Bid. Initialement prévue pour 2017, la décision des membres de la FIFA n'était d'ailleurs pas attendue avant 2020. Sur un total de 211 membres, le Maroc, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ne pourront prendre part au vote du 13 juin. La FIFA a donné comme délai le 11 août dernier aux membres de se porter candidats, les règlements n'ont été émis que le 13 septembre par le bureau du Conseil et validés par le Conseil de la FIFA dans son ensemble le 27 octobre. Et encore, il faudrait que le dossier du Maroc passe sans casse sous les fourches caudines de la task force de la FIFA avant même d'arriver au vote. Un agenda au pas de course qui ajoute encore davantage de suspicion sur les desseins d'Infantino, qui, sous le coup d'enquêtes de la commission d'éthique de la FIFA avait évincé son président et deux de ses membres... en mai 2016 pour avoir les coudées franches. Il a d'ailleurs été blanchi par cette instance en août dernier...Et c'est cette même instance désormais acquise au président qui a été pour le moins indulgente avec Sunil Gulati, le patron de l'US Soccer Fédération... En effet, Infantino était visé par des enquêtes de la commission d'éthique de son institution quand son président Cornel Borbely et deux de ses membres (Hans-Joachim Eckert et Miguel Maduro) ont été remplacés. Une décision politique d'après le Guardian qui avait révélé le scandale, d'autant que les affaires ouvertes, dont fait partie l'attribution suspecte de la coupe du Monde 2006 à l'Allemagne, sont désormais au point mort. La première étudiait les conditions de l'élection d'Ahmad Ahmad à la tête de la CAF. Infantino et sa secrétaire générale, Fatma Samoura, aurait ainsi rencontré des présidents de Fédérations africaines pour leur indiquer que la FIFA pourrait accélérer le versement d'argent lié aux programmes de développement en cas d'élection d'Ahmad, lui-même surveillé par Borbery pour avoir demandé de l'argent à Mohammed bin Hamman, ancien patron de la Confédération asiatique banni par la FIFA en 2012. Le tout dans le but de vaincre Issa Hayatou, président historique de la CAF qui avait apporté son soutien au Sheikh Salman plus qu'à Infantino lors de l'élection présidentielle de février 2016 à la FIFA. Une autre affaire concernait le financement de la campagne de l'ancien secrétaire général de l'UEFA, qui a bénéficié d'une aide de 500.000 euros de la Confédération européenne, comme il l'a admis publiquement. Mais deux versements supplémentaires de 250.000 euros auraient servi à payer notamment les nombreux jets privés empruntés pour convaincre les présidents de Fédérations à travers le monde... Après son élection, Infantino avait donc été blanchi par la Commission d'éthique, mais il n'aurait pas apprécié d'être ainsi l'objet d'une enquête. Ce qui n'empêche que l'opération «mains propres» à la FIFA ne l'a visiblement pas lavée de tout soupçon. En septembre 2017, le New York Times, révélait une plainte déposée contre lui par Joseph Weiler, ancien membre de la commission de gouvernance de la FIFA qui l'accusait - avec des membres de son équipe- d'être intervenu dans les travaux de son comité pour bloquer les enquêtes sus-mentionnées... Or, son prédécesseur Sepp Blatter, qui a pratiqué un clientélisme à grande échelle et a fermé les yeux sur la corruption concernant avant tout les confédérations sud-américaines et la CONCACAF, avait fait avec Michel Platini, les frais du grand déballage de la FIFA ayant culminé avec le raid de la police suisse en mai 2015. Mais d'aucuns estiment que le FBI américain, à l'origine de la tempête, n'aurait certainement pas ouvert une enquête de cette envergure si les Etats-Unis avaient obtenu l'organisation de la coupe du Monde 2022... La FIFA envisage déjà la Chine en 2030 ou 2034... D'autres aspects du processus sont à prendre en compte relèvent nombre d'observateurs, tels que le nombre de décideurs de la FIFA issus des pays de la candidature nord-américaine: le vote des Iles Samoa, Guam, Porto Rico et les îles Vierges, qui sont directement liées économiquement et politiquement aux Etats-Unis, profitera sûrement à la candidature Etats-Unis-Mexique-Canada. «Cette donne rendra les votes par bloc - toute l'Afrique votant pour le Maroc, par exemple- plus probable, car tout résultat aberrant ne sera plus sous couvert de vote masqué», estime ESPN. «Chaque vote devra être justifié à l'avenir, à la fois pour les membres de la confédération continentale d'un pays ainsi que pour les responsables des comités nationaux», poursuit la chaîne sportive dans un article favorable au Maroc prenant davantage en compte le sentiment anti-Trump qui gagne le monde. Mais au sein de la planète foot, l'Américain Sunil Gulati, a été lui aussi un allié majeur de l'élection d'Infantino. «Si les Etats-Unis perdent, ce sera une défaite politique pour Infantino et cela aura d'énormes conséquences pour sa réélection», affirme ainsi un des initiés du processus de candidature. De plus, il est apparemment inévitable que la Coupe du monde soit attribuée à la Chine pour 2030 ou 2034. En accordant la compétition de 2026 aux Etats-Unis et à ses alliés, cela pourrait permettre à la FIFA de gérer au mieux les conséquences d'une décision d'attribuer le tournoi à la Chine. «Cela montre que si la corruption pure et simple d'une Coupe du Monde a peut-être été évitée cette fois-ci, la manipulation reste très présente dans le jeu», conclut le site spécialisé Play The Game.