En 2017, l'armée syrienne a déjà foncé vers Raqqa et Deir Ezzor pratiquement libérée La volonté de Damas de partir à la conquête des derniers bastions de la rébellion et du terrorisme, en l'occurrence Idlib où ont été concentrés Fateh al Cham (Al Nosra), Jaïch al Islam, Ahrar al Cham et tout récemment Faylak al Rahmane s'inscrit en parallèle de la démarche de la Turquie... Avec la normalisation de la situation dans la Ghouta orientale, une étape décisive dans le conflit est désormais franchie par le régime syrien. C'est ce qui fait dire à certains observateurs que l'on assiste aujourd'hui au commencement de la fin pour à la fois les groupes terroristes et pour la rébellion dans son acception politique. Il est vrai que les caractéristiques des mouvances, notamment armées, rendent difficile la part des choses, et c'est ce qui a fait que les négociations d'Astana ont quelque peu buté sur la requalification de certaines formations prétendument rebelles alors qu'elles sont notoirement étiquetées terroristes. Grâce à l'intervention décisive de la Russie, le régime syrien a renversé le cours des évènements au point de reprendre en deux ans de durs combats le contrôle de plus de la moitié de son territoire. Qui plus est, la menace la plus dangereuse a été éradiquée, à savoir celle de Daesh combattu tout à la fois par la Syrie et ses alliés russe et iranien et par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. C'est cette élimination de l'EI qui a ouvert une nouvelle partition de la guerre, dans laquelle on voit perdurer un bras de fer plus ou moins direct entre la Russie, l'Iran et la Syrie, d'un côté, les Etats-Unis et leurs alliés kurdes, de l'autre, sans oublier le troisième protagoniste qu'est la Turquie qui semble faire cavalier seul, mais en ayant l'avantage de drainer dans son sillage des factions syriennes rebelles. Cet imbroglio militaire est tel qu'on ne voit pas comment l'issue de ce conflit va maintenant se dessiner, alors que Washington entend déployer quelque 30 000 combattants kurdes encadrés par des centaines de conseillers et de soldats américains dans l'enclave de Minbej et de Raqqa, signe de la détermination des Etats-Unis à occuper la Syrie pour un temps dont nul ne sait combien il va durer réellement. A ces paramètres s'ajoute l'hypothèse d'une implication de plus en plus probante d'Israël qui, sous prétexte de contrer l'Iran donné comme une menace gravissime dans l'ensemble de la région moyen-orientale, avec l'aval manifeste de l'Arabie saoudite et des monarchies du Golfe obsédées par la nécessité de neutraliser la montée en puissance du courant chiite à laquelle a puissamment contribué l'Amérique de George W. Bush, avec la destruction de l'Irak. De façon récurrente, le défi iranien adossé à la présence grandissante du Hezbollah sur la ligne de front est agité comme un carton rouge aussi bien par l'Etat hébreu et les monarchies pétrolières du CCG que par leur parrain américain lui-même. La volonté de Damas de partir à la conquête des derniers bastions de la rébellion et du terrorisme, en l'occurrence Idlib où ont été concentrés Fateh al Cham (Al Nosra), Jaïch al Islam, Ahrar al Cham et tout récemment Faylak al Rahmane s'inscrit en parallèle de la démarche de la Turquie qui mène une offensive baptisée «Bouclier de l'Euphrate» pour se débarrasser des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) à leur frontière et affichent clairement leur détermination de se rendre jusqu'à Minbej où se trouve un contingent des forces américaines, en soutien aux combattants kurdes de la région. Ankara va-t-elle pouvoir contrecarrer l'ambition de son puissant allié au sein de l'Otan qui se dit résolu à demeurer en Syrie avec 30 000 Kurdes en guise de bouclier opérationnel? Rien n'est moins sûr malgré les récriminations et les propos plus ou moins belliqueux du président turc Recp Tayyip Erdogan. Y aura-t-il un consensus entre les deux parties qui partagent au moins un objectif commun, celui qui vise à obtenir le départ du président syrien Bachar al Assad, comme on a pu l'entendre, début janvier dernier, de la bouche même du secrétaire d'Etat Rex Tillerson finalement renvoyé sans ménagement par le turbulent président Donald Trump? Là aussi, les données ne sont pas claires pour envisager une telle hypothèse. Pourtant, il existe un risque patent que les Etats-Unis ne paraissent pas avoir pleinement mesuré: le recours aux forces kurdes pour dominer Minbej et Raqqa sera, tôt ou tard, improductif car la population arabe de ces deux villes va tout faire pour leur mener la vie dure et accélérer l'arrivée des forces syriennes, russes et iraniennes dans leur contrée. Sans doute, les affrontements seront encore longs et meurtriers, mais l'issue paraît à première vue inéluctable de la même façon que l'offensive turque devra nécessairement buter, tôt ou tard, sur la volonté des Kurdes de réintégrer le giron gouvernemental syrien, faute de mieux. Bénéficier d'une autonomie même relative, comme celle que leur a concédée Damas ces deux dernières années, vaut mieux, à tous égards qu'une mise sous tutelle turque, avec les conséquences que l'on devine. Patiemment, l'Armée arabe syrienne a accumulé en 2016 et 2017 les victoires et la libération de contrées sous domination terroriste. Dernière en date, la reprise de la Ghouta orientale a sonné le glas de la rébellion qui redoute maintenant une offensive programmée sur la province d'Idlib, dans le nord-ouest du pays. Ceci signifie qu'à moyen terme se posera la question de savoir si Deir Ezzor, qui est une région à l'Est de l'Euphrate riche en pétrole, va demeurer sous la domination des Kurdes des FDS et de leur parrain américain. Les Etats-Unis avaient l'an dernier barré la route à l'armée syrienne pour pouvoir garder le contrôle de cette province, mais la situation a quelque peu évolué, les Kurdes n'étant plus en mesure de prétexter des frappes de l'aviation russe et devant obligatoirement prendre en compte la menace turque de plus en plus pressante. Ankara fera tout pour les déloger de la rive occidentale de l'Euphrate et cela arrange les affaires du régime syrien et de ses alliés auxquels, tôt ou tard, les Kurdes seront obligés de faire allégeance. On le voit, la partie est encore complexe et si le régime syrien peut sereinement envisager le contrôle d'une large majorité de son territoire avant la fin de l'année 2018, il n'en demeure pas moins que trois ensembles territoriaux sont en train de se dessiner actuellement, avec la présence turque, d'une part, les appétits américano-kurdes, d'autre part, et la Syrie légitime en dernier ressort.