A l'extrême sud du pays, dans la Hamada près de Tindouf, un peuple vit, se bat et espère. Ayant fait récemment la Une de la presse mondiale avec la libération de plus de 400 prisonniers marocains, le Polisario et le gouvernement de la Rasd essaient depuis des décennies d'expliquer leur combat. Arrivés aux premières heures de cette journée de dimanche et conduits au camp de Rabonny, le siège du gouvernement et de la présidence sahraouie en compagnie d'un groupe de militants d'une ONG espagnole faisant dans l'alphabétisation des , on est pris en charge de façon admirable et efficace sans que l'on se sente guidé, observé, suivi. Il semble que c'est là le secret des Sahraouis: efficacité, gentillesse et discrétion. Le lendemain matin ou plutôt après deux à trois heures de sommeil, on est reçu en premier par le directeur du protocole de la présidence, M.Brahim Mokhtar. Avec lui, «le courant est très vite passé». Il n'impose rien, ne suggère rien et écoute les propositions avec l'air de dire: «Nous n'avons rien à cacher». Effectivement, on a établi le programme du séjour de façon libre et, cerise sur le gâteau, on a demandé un entretien avec le président Abdelaziz, ce que ce dernier a accepté. Lors de notre discussion avec le directeur du protocole, on lui a crûment posé la question sur les relations de son gouvernement avec le nouveau pouvoir mauritanien. Et de répondre: «Le gouvernement sahraoui a envoyé le ministre en charge des territoires occupés, et ce comme envoyé spécial du président Abdelaziz, les nouveaux dirigeants mauritaniens ont fait montre d'une volonté certaine de poursuivre et surtout de maintenir les bonnes relations existant entre les deux pays». Tout en discutant, le responsable du protocole a organisé mon arrivée à la direction du journal Sahara Libre. L'hebdomadaire, apparemment distribué gratuitement, est en langue arabe. La maquette pèche quelque peu mais l'essentiel y est. En somme, c'est un instrument de combat. Le directeur du journal nous accueille très chaleureusement et, assis en tailleur à même le sol, prépare le thé de l'amitié. Je devais visiter également l'agence de presse, la radio et m'entretenir avec des confrères, mais l'on préfère me reconduire auprès du service du protocole, le repas étant annoncé pour bientôt. En fait, il avait fallu attendre environ deux heures. Le temps ici est élastique. En nous réfugiant dans des locaux qui nous abritent pour la nuit, on a rencontré Sofiane, un jeune algérien responsable dans une ONG nationale. Il ne fait guère d'éloges sur l'organisation des Sahraouis et aussi sur cette boulimie d'apprendre qui a envahi tout un chacun : hommes, , enfants. Cette ONG, l'Afad, a été à la base de la création de bibliothèques et d'autres services. Sofiane se souvient également de la libération des prisonniers marocains. Il juge et avec lui, deux jeunes norvégiennes, à propos d'un plan d'attribution de bourses émanant de la World College basée à Londres que «le coup politique du Polisario et donc de la Rasd est un coup de maître...». Sofiane semble se mouvoir dans les lieux comme un poisson dans l'eau. Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Les wilayas, les daïras et les haï (communes) de la Rasd sont parcourues par ce jeune qui nous affirme: «Il y a le président Abdelaziz qui est un être exceptionnel et il y a aussi la première dame qui est tout simplement admirable. C'est simple, elle n'arrête pas de travailler pour la cause et surtout pour la ahraouie». Quand on voit comment vit la majeure partie de la population et quand, dans leur dévouement, ils trouvent le moyen de partager, alors on ne comprend pas comment il s'est trouvé des confrères étrangers qui ont osé écrire des insanités. Ainsi, rapportant des témoignages de prisonniers libérés, une revue disait en faisant parler un ex-détenu: «On a passé de sales moments!». «Faux, répondent en choeur les étrangers présents à Rabonny, certes les prisonniers ont travaillé sous le soleil, mais sous le soleil il y avait aussi l'armée du Polisario qui d'ailleurs partageait la même eau et la même nourriture que les prisonniers. Cependant, et on l'affirme sous la foi du serment, aucun prisonnier n'a été maltraité sévèrement...». Par contre, à Rabonny, tous parlent de civils sahraouis réprimés à Dakhla et dans les territoires occupés. On cite le cas de cette défenderesse des droits de l'homme dont la seule vue de la photo fait mal aux tripes. Durant le frugal repas offert gracieusement par la Rasd, on a échangé quelques points de vue, en toute liberté entre invités et aussi avec des Sahraouis. Tous sentent que quelque chose bouge avec l'entrée en lice des Américains. Il faut souligner que la jeunesse laisse transparaître quelque peu sa fatigue. Ils n'en peuvent plus d'attendre. Aussi, chaque chose qui risque d'accélérer la fin de la situation actuelle est la bienvenue. A l'aéroport d'Alger, dans les salons d'attente, on a croisé des groupes d'enfants sahraouis revenant de vacances. Certains étaient à Paris, d'autres dans le Limousin et d'autres encore en Allemagne... Approchés, des encadreurs nous firent part de cette attente. «Tout sauf que cela perdure, plutôt la guerre que cette situation!». Fort heureusement, le Polisario et le président Abdelaziz qui semblent très respectés et écoutés font encore parler la voix de la raison et de l'espoir. Mais il semble urgent que la communauté internationale se saisisse du problème, il y va de la paix dans cette région.