Les absents ont eu tort et les quelques personnes présentes se sont régalées. Après le passage de l'Orchestre symphonique national, le TNA devait accueillir dans la soirée de jeudi la troupe théâtrale Mahfoud-Touahri de Miliana avec du Ionesco sous le bras. Le roi se meurt, pièce traduite par Ahmed Rabah et mise en scène par Mohammed Cherchel, n'a pas drainé la grande foule, pas autant que le concert de la veille. Pourquoi? Il paraît que l'annonce du programme du Théâtre pour la fin de la semaine dernière qui devait être diffusée sur les ondes de radio El-Bahdja a été écourtée pour ne mentionner que l'apparition de Amine Kouider. Il y a ceux qui sont, plus que d'autres, chouchoutés par les médias. En vertu de quels critères? La réponse risque d'être décevante tant les justificatifs sont démesurément anodins face au risque de condamner un spectacle en le dépouillant de sa source de survie, le public. Il reste que les absents ont eu tort et que les quelques personnes présentes se sont régalées. L'absurde, cette particule qui colle à l'auteur originel de la pièce, a dû se plier à une interprétation relativement libre. Le roi se meurt est l'histoire d'un monarque qui vit les dernières minutes peu fières de son règne et de sa vie. Il mourra à la fin de la représentation, le temps de peser toute sa déplorable fin. Le conflit entre une raison cruelle, jugeant qu'il est temps pour le roi d'aller dans l'au-delà, et une passion coupable de son aspiration à l'immortalité, incarnées dans l'ordre par les deux reines Marguerite et Maria, est la trame sur laquelle se meuvent les personnages de la pièce. Pensant décider à sa guise du jour de son départ, roi tout-puissant qu'il pense être, il n'avait pas vu le temps passer. Lassés de son oubli entêté de donner une limite à son long règne, la reine Marguerite et le docteur décrétèrent sa mort. Rencontré après la représentation, le metteur en scène Cherchel Mohammed nous éclairera sur son traitement de la pièce. Au réalisme émotionnel, ce refus obtus du roi à l'annonce de son proche décès et son recours à la reine Maria, incarnation d'une passion égoïste, succédait l'absurde de la résignation, restitué tant bien que mal par le metteur en scène. La troupe amateur de l'association Mahfoud-Touahri a réussi, malgré les imperfections inévitablement inhérentes à son statut d'amateur, à séduire le maigre public. L'association a, depuis sa création, il y a une dizaine d'années, participé à un nombre impressionnant de festivals et de manifestations théâtrales avec des prix et des consécrations à la clef. Sur les planches internationales, la troupe a réussi à conquérir le prix de la meilleure représentation en arabe au Festival international du théâtre expérimental d'Egypte en 1993. Le roi se meurt, initialement programmée pour la fin du mois, s'est vu projetée sur scène avant terme, nous apprend le metteur en scène, un désagrément qui ne s'est pas fait ressentir sur les planches. Il est d'ailleurs à noter que la pièce a été montée en quarante jours. C'est donc sur un chantier que les acteurs ont dû évoluer. Pourtant le résultat contraste avec les conditions dans lesquelles a été préparée la pièce et c'est dans une ambiance enjouée que le public a baigné. Grâce à une adaptation intelligente du texte, faisant intervenir, à un dosage sobre, des ingrédients du terroir immanquablement humoristiques, à une interprétation sincère et investie et à une mise en scène quelque peu fouillée, la formation est parvenue à renvoyer une image plus qu'honorable. La pièce sera, encore une fois, confirment certaines sources, sur les planches du TNA, même si une date n'est pas encore fixée. Il serait dommage de laisser passer une occasion de se faire plaisir.