Tout doit être remis en question, à commencer par la restructuration de nos clubs. Cinquante jeunes seront bientôt regroupés en permanence au lycée sportif de Draria pour, nous dit-on, donner dans quatre années, l'ossature de la future équipe nationale de football. Ce sport a pour habitude de nager dans l'absurde, mais il nous semble que, là, il est tombé dans l'irrationnel pro- pre à ceux qui ne savent vraiment pas où ils vont. Nul ne contestera le fait que le football algérien, en matière de résultats sur le terrain, est complètement dépassé par les événements, battu qu'il est par celui de pays aux moyens nettement plus faibles que ceux du nôtre. La solution pour remettre la machine en marche est dans la mise en oeuvre d'une vraie politique où tout doit être remis en question, à commencer par la restructuration de nos clubs, ceux qui constituent la base de tout le système et les seuls pour s aux sélections nationales. Elle ne réside certainement pas dans l'application d'une opération qui ne fait que s'apparenter à du bricolage juste pour épater la galerie. Lorsqu'il est arrivé au ministère de la Jeunesse et des Sports, M.Yahia Guidoum avait fait du partenariat avec les fédérations sportives, l'une des ses missions essentielles. Trois mois plus tard, on a l'impression qu'il a tourné le dos à cette promesse pour se lancer dans quelques actions qui ont peu de chances d'être d'un réel intérêt pour le sport algérien. En tout cas, celle qui a consisté à sélectionner 50 jeunes footballeurs semble avoir été inspirée par des acteurs loin de la réalité du terrain. Le ministère de la Jeunesse et des Sports est une structure gouvernementale chargée de proposer les éléments de la politique nationale de la jeunesse et des sports et d'en assurer la mise en oeuvre conformément aux lois et règlements en vigueur. Cela est écrit noir sur blanc dans la présentation de cette institution gouvernementale. Par ailleurs, les décrets exécutifs 90-118 du 30 avril 1990 et 90-284 du 22 septembre 1990 fixent les missions qui lui sont assignées. Dans ces deux textes, nous n'avons trouvé aucune trace d'un élément indiquant que le MJS pouvait se substituer à une fédération sportive et se servir de ses prérogatives. Car celle par laquelle il a sélectionné 50 jeunes ressemble, à s'y méprendre, aux opérations menées par la Direction technique nationale du football qui travaille sous l'égide de la FAF. Comment comprendre cette action, sinon qu'elle n'est qu'une opération parallèle à l'oeuvre de la FAF? Les initiateurs du projet ministériel veulent faire croire qu'il est possible de monter une équipe nationale en sélectionnant 50 gamins et en les regroupant en permanence. Il nous semble que tous les autres pays du monde ont plusieurs longueurs de retard sur le nôtre pour n'avoir pas imaginé une telle trouvaille. Ses initiateurs peuvent être sûrs d'intégrer le Guiness Book des records. Il y a cependant des questions qui mériteraient d'être posées au sujet d'une telle opération. Selon ces initiateurs, ces jeunes ont été repérés dans des tournois interquartiers organisés par le MJS. Ces jeunes, s'ils sont aussi talentueux qu'on le prétend, pourquoi n'ont-ils pas trouvé de clubs où jouer? On ajoute que la prospection s'est faite en 40 jours et que 100.000 jeunes ont été ciblés, soit 2500 gamins par jour. Il faudrait être doté d'un sens de l'observation hyperdéveloppé pour mener à bien un tel travail. Ces initiateurs sont-ils sûrs d'avoir bien traité l'affaire au point de laisser sur le carreau 99.950 gamins? Le lycée sportif de Draria est une structure appelée à recevoir de jeunes talents sportifs pour qu'ils poursuivent leur formation sportive tout en ayant une scolarité similaire à celle que l'on prodigue dans tous les établissements scolaires du pays. Les 50 jeunes choisis pour le regroupement permanent ont-ils un niveau scolaire suffisant pour répondre aux critères d'accès au lycée en question? Ces gamins ont été sélectionnés au bout d'une période de prospection dans des tournois interquartiers dont les finales ont eu lieu au stade du 5-Juillet. Ces jeunes, il a fallu les regrouper, les habiller, les nourrir, etc. Il serait intéressant de connaître à combien est revenue une telle opération qui semble beaucoup plus appropriée pour la fédération du sport pour tous. Mais elle est orientée, a-t-on révélé, pour donner à l'Algérie dans 4 ans une équipe nationale de football compétitive. Mais de quelle équipe nationale s'agit-il ? De celle qui s'habille de vert et de rouge et dont l'une de celles qui l'ont précédée s'était illustrée au Mondial de 1982 en Espagne? Il faut que le MJS ne commette pas une telle bévue car cette équipe nationale, la vraie, celle de tous les Algériens, a un label dont les droits de propriété appartiennent à la Fédération algérienne de football, une association de droit algérien, d'utilité publique et d'intérêt général, protégée par les dispositions de la loi 90-31 sur les associations. Si le ministère des Sports veut créer son équipe nationale, ce ne peut être qu'une équipe nationale des interquartiers. Un ministère qui n'a pas le monopole de l'idée du regroupement permanent. Avant lui, la DTN du football, sous la direction de Hamid Zouba, avait songé à des joueurs de clubs qu'on regrouperait de façon continue comme cela s'était fait lors de la construction de l'équipe de 1982. Cela n'a pu se faire en raison du changement de politique à l'égard des clubs qui ne veulent plus que leurs meilleurs joueurs soient constamment absents. La DTN avait, alors, imaginé la mise en place de centres régionaux de formation pour lesquels la Fifa avait délégué un de ses experts, M.Benezet, pour qu'il forme les futurs formateurs appelés à y exercer et pour qu'il trace les grandes lignes du projet. Ces centres devaient être au nombre de 4 (Annaba, Alger, Ouargla et Oran) et le ministère avait été sollicité pour qu'il apporte son aide à leur construction. Aucun d'eux n'est opérationnel à ce jour si ce n'est celui de Ouargla dont on ne sait même pas s'il active toujours. A défaut d'épauler la FAF (qui attend toujours qu'on commence les travaux du centre de regroupement des équipes nationales de Sidi Moussa, un centre dont le président de la République Abdelaziz Bouteflika, a posé la première pierre, il y a maintenant trois ans), le MJS lance une opération interquartiers. Pour le plus grand tort du football algérien.