Au moment où partout ailleurs la théorie des grands ensembles est mise en pratique, la construction du Grand Maghreb connaît des couacs et des retards dommageables. A la demande de l'Algérie, la 19e session du Conseil des ministres des Affaires étrangères des pays de l'UMA se tiendra à Alger les 17 et 18 janvier prochain. Tout comme la précédente session, qui s'est également tenue à Alger en mars dernier, cette réunion participe à la redynamisation et à la relance de l'Union du Maghreb en stand-by depuis plusieurs années. La tentative de la réanimation de l'Union a été opérée à l'initiative de l'Algérie. L'été passé, après la 18e session des ministres des AE, une série de réunions du Conseil consultatif s'est tenue dans les cinq capitales du Maghreb. Ainsi, les travaux de la commission des ressources humaines - dont le siège est à Alger - se sont déroulés les 18 et 19 août dernier dans l'enceinte de l'Assemblée populaire nationale. A Tripoli, la commission des infrastructures que préside la Libye a débuté ses travaux à la fin du mois d'août. De même que celle de l'économie des finances et de la planification (confiée à la Mauritanie). Celle des affaires politiques (supervisée par le Maroc) et en fin celle des affaires juridiques (que préside la Tunisie). Malgré la volonté politique affichée par l'Algérie, particulièrement depuis l'année passée, pour concrétiser ce voeu pieux, la réalité est que l'UMA demeure un projet en surplus. Les malentendus et les volte-face ont bloqué l'Union. En 1995, le Maroc a provoqué et demandé le gel des activités de l'UMA. Faut-il rappeler que le royaume chérifien s'est singularisé à nouveau, l'année passée, en ne dépêchant à Alger que le n°2 de la diplomatie marocaine, le secrétaire d'Etat Tayeb Fassi El-Fihri. Le Maroc a toujours mis en avant le préalable du Sahara occidental alors que le dossier est pris en charge par une instance internationale, à savoir l'ONU. Au moment où partout ailleurs, la théorie des grands ensembles est mise en pratique, la construction du Grand Maghreb connaît des couacs et des retards dommageables. Sur le sol africain même une organisation similaire a fait des bonds extraordinaires en matière d'intégration. La CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), créée en 1975 à Lagos, compte 15 Etats membres en son sein. Sur la rive nord de la Méditerranée, l'UE s'offre aux pays du Maghreb comme un exemple parfait de regroupement en blocs géostratégiques. Que représentent le Danemark, l'Irlande ou encore les Pays-Bas sans leur positionnement au sein de cette puissance économique que constitue l'Union européenne? Aussi la construction du Grand Maghreb demande un courage politique de ses dirigeants, qui les amènerait à concéder les prérogatives nationales au profit de l'UMA. L'Algérie, la Tunisie et le Maroc sont allés en rangs dispersés, signer les accords d'association avec un bloc géostratégique, l'UE. Pourtant, on ne cesse de nous chuchoter l'union du Maghreb de l'extérieur. Il est évident qu'un marché de plus de 80 millions d'habitants, des richesses minières très importantes et un grand potentiel touristique, serait plus intéressant aux yeux des Américains et du bloc européen. C'est la thèse défendue par M.Romano Prodi président de la Commission européenne au Maghreb, lors de sa visite à Alger en janvier dernier. Selon lui, le sud de la Méditerranée représente une priorité pour l'Europe, mais dont les liens de développement entre les deux rives passent aussi par les échanges, encore très insuffisants, entre les trois pays du Maghreb. Une thèse qui rejoint l'initiative Eizenstat qui vise, elle aussi, la création d'un ensemble maghrébin qui, inévitablement, suscitera l'intérêt des investisseurs américains.