Pour le président, l'avenir déterminera les véritables responsables de la crise. «Je viens aujourd'hui partager avec vous des propos graves et importants à la fois. Je reconnais que le Grand Sud a été de tout temps lésé, abandonné. Cette région n'a jamais eu la place ni l'intérêt qu'elle mérite», a précisé hier, le président de la République à partir de Ouargla. Le choix de Bouteflika, lequel a préféré s'adresser à la région à partir de cette wilaya précisément, n'est pas fortuit. C'est bien Ouargla qui a vu naître «le mouvement du Sud » en février 2004. Un mouvement qui a crié à l'injustice et à la hogra et qui a chahuté la visite présidentielle l'année dernière. L'orateur, qui a fait son un mea-culpa officiel, à l'occasion de son discours prononcé à la salle omnisports, a exhorté le gouvernement à prendre en charge tous les problèmes du Sud. «Dorénavant, ça sera notre priorité au niveau de l'Exécutif. Il est inacceptable de constater tout ce retard au vu des richesses humaines et matérielles du Sud». Il promet, dans ce sens, de régler définitivement le problème du chômage, en mettant fin aux «politiques anarchiques». Celle qui a permis «au gens du Nord de bénéficier exclusivement des richesses du Sud». Bouteflika, qui a promis une nouvelle ère aux habitants du Sud, a remis en cause la gestion du fonds pour le développement du Sud, autrement dit la gestion de son gouvernement. Mais le chef de l'Etat, qui s'est qualifié hier de «meilleur avocat des causes du Sud», n'a pas épargné «les manipulateurs et les perturbateurs qui ne représentent que leur voix et qui sont derrière les agitations qu'a connues la région». Allusion faite bien évidemment au mouvement du Sud. Il tire à boulets rouges sur les instigateurs de la «fawdha», en les qualifiant, en des termes très voilés, «de pions au service du colonialisme qui a gouverné le pays pendant plus de 130 ans» Devant une assistance composée de représentants de six wilayas, Ouargla, Djanet, Tamanrasset, Biskra, Touggourt et Oued Souf, le président rappelle qu'«il n'est pas en campagne électorale». «El Hamdoulilah je ne suis pas venu arracher votre adhésion massive pour la charte, mais bien pour vous expliquer les contours de cet ambitieux projet». Il ajoute: «Votez pour moi si vous jugez que l'initiative le mérite, et n'hésitez pas à voter contre moi si vous ne partagez pas mon opinion». Le président insiste sur ce point puisque, comme il le réclame haut et fort plus loin: «Le projet de charte ne m'a pas été inspiré par qui que ce soit. Il est le fruit d'un effort personnel». Il est surtout loin d'être le résultat «d'un deal quelle que soit sa nature». «Les personnes qui me connaissent depuis longtemps savent parfaitement que je n'ai jamais été un extrémiste, même en dehors du pouvoir, et je ne saurais l'être aujourd'hui». La réconciliation nationale, le principal motif de cette virée présidentielle à Béchar, constitue «une solution incontournable» ou pour paraphraser le président «la solution la plus appropriée à la situation actuelle». Parce qu'il faut savoir, et ce n'est un secret pour personne, que la charte ne constitue qu'une étape dans le traitement de la crise. «D'autres doses vont suivre pour conforter la concorde et la réconciliation». Serait-ce l'amnistie générale? «A chaque jour suffit sa peine. L'amnistie exige un traitement politique, juridique et économique dont la majorité du peuple n'a pas encore saisi les enjeux». «Si le peuple opte pour l'amnistie, souligne-t-il, on se penchera sur la question, Nehar yenouar el melh». L'assistance applaudit, le président réplique: «Je ne suis pas sûr que vous saisissez bien le message». Le discours du président, qui a duré près de 50 minutes, a été entrecoupé par des slogans de soutien. «Rana maâ el moussalaha». Les habitants du Sud, du moins ceux qui étaient présents hier, ont reflété l'image d'un peuple acquis totalement à la cause du président. Mais ce dernier exige plus. «Ferhouni le 29 septembre», leur a t-il demandé. Abordant les volets de la charte, le président a insisté, encore une fois, sur le fait que «les repentis de la concorde civile doivent bénéficier de tous leurs droits». A Béchar, le président avait reconnu, pour rappel, que «l'Etat a été défaillant dans le traitement du dossier des repentis». Le président promet aussi un traitement «juste» au prisonniers, bien sûr ceux qui n'ont pas été exclus par la charte à cause de leur implication directe dans des crimes de sang. Parce que la tragédie nationale n'a épargné aucun Algérien, le président propose un traitement global de la crise dans tous ses volets. «Le terrorisme a fait des victimes que l'Etat doit prendre en charge». Dans la liste des victimes, la charte cite les familles des terroristes, les disparus. Pour lui, «seul l'avenir pourra définir qui est responsable de la tragédie nationale». «Chaque partie, ajoute-t-il, désigne du doigt son adversaire et estime être la victime. Ce n'est pas le moment de poser cette question. Personnellement je ne possède pas la réponse. Laissons aux historiens le soin de dévoiler la vérité un jour». Pour le moment, la réconciliation semble la question la plus urgente à traiter. Dans le même chapitre, il est à noter que la charte du président a eu la bénédiction des trois zaouias, en l'occurrence El Tidjania, El Timassine, et surtout El Kadiria, la zaouia la plus influente dans la région. Les divergences qui ont surgi à la veille de la visite du président se sont estompées à la faveur de la réconciliation. D'ailleurs, une motion de soutien a été lue par le délégué des trois zaouias. Approché par nos soins, le porte-parole d'El Kadiria a justifié cette adhésion par le souci de voir la paix enfin régner sur le pays. Notons que la wilaya d'Oran sera le prochain périple du président.