Profitant de la sympathique réception offerte, dimanche dernier, par le quotidien Liberté à l'équipe de la JS Kabylie, à l'occasion de sa troisième victoire consécutive en Coupe de la CAF, toute une brochette de journalistes de Liberté a littéralement happé le président Mohand-Chérif Hannachi pour l'inviter à débattre, à bâtons rompus, de toutes les questions de l'heure qui touchent particulièrement la JSK, notamment en cette période quelque peu délicate où le stade de Tizi Ouzou a été suspendu par la Ligue nationale de football. À cœur ouvert, sans aucune hésitation ni détour... Liberté : Tout d'abord, président, pour coller à l'actualité, vous venez d'être décoré de l'Ordre de mérite national olympique, soit la plus haute distinction du Comité olympique algérien. Votre commentaire ? Mohand-Chérif Hannachi : Une telle décoration ne concerne pas seulement Hannachi mais elle honore toute la JSK et tous ceux qui ont façonné le palmarès éloquent du club, qu'ils soient dirigeants, entraîneurs ou joueurs qui sont déjà passés à la JSK. C'est dire qu'une telle distinction est une reconnaissance pour tout le club, et cela nous réconforte humblement dans la mesure où l'on reconnaît officiellement que la JSK a honoré tel qu'il se doit le pays. L'actualité, c'est aussi la suspension du stade de Tizi Ouzou par la LNF et une éventuelle mesure de grâce de la FAF ou du MJS qui n'arrive toujours pas ? Une grâce, je ne le pense pas pour le moment qu'il y a beaucoup d'autres problèmes de violence à travers tout le territoire national, mais j'ai eu un entretien très franc avec le président de la LNF, M. Mecherara, alors que lors de son discours d'ouverture lors de l'AG de la FAF le ministre de la Jeunesse et des Sports a tenu à rappeler la particularité des incidents à Tizi Ouzou, je pense que l'on ne tardera pas à trouver une solution fiable surtout que l'on nous a demandé une lettre du wali de Tizi Ouzou pour nous permettre, éventuellement, dans un premier temps, d'évoluer à huis clos à Tizi Ouzou. Pensez-vous justement que le huis clos programmé à Tizi Ouzou est plutôt préférable à un huis clos à Boumerdès ou ailleurs ? Bien évidemment ! Jouer actuellement à huis clos à Tizi Ouzou est plus profitable pour la JSK qui possède tous ces grands panneaux de publicité au stade du 1er-Novembre. De plus, jouer à domicile, c'est ne pas dépenser de l'argent, ce qui peut nous aider à atténuer quelque peu la situation critique du moment. D'une façon générale, que pensez-vous de la décision du huis clos appliqué actuellement en Algérie ? On peut l'appliquer peut-être pour un ou deux matchs à domicile mais pas déplacer une équipe hors de son stade et lui appliquer aussi le huis clos. Je crois que la violence est un phénomène national et il y a pratiquement des incidents à chaque fois qu'une équipe perd à domicile, surtout lorsqu'elle joue les premiers rôles. C'est dire que la sanction du huis clos est comme un coup d'épée dans l'eau. Pourtant le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Benbouzid, a suggéré publiquement la levée de suspension du stade de Tizi Ouzou du fait que les incidents étaient extrasportifs ? Oui, M. Benbouzid a été clair à ce sujet et nous le remercions d'une telle compréhension, et je tiens à rappeler que, depuis son arrivée au MJS, il a fait preuve de beaucoup de correction et d'intérêt avec la JSK et tous les autres clubs. Dans son intervention à l'occasion de l'AG de la FAF, il a effectivement souhaité une certaine indulgence envers la JSK et ses propos ont soulevé de nombreux applaudissements dans la salle, ce qui prouve l'immense élan de solidarité qui s'est formé autour de la JSK. En toute franchise, avez-vous ciblé tous les perturbateurs qui sont derrière les incidents survenus au stade de Tizi Ouzou ? Personnellement, je ne veux pas trop polémiquer. Je suis le président d'un club sportif et je ne fais que défendre l'intérêt de notre club. Dieu qu'il y a des dérapages, je dénonce mais je veux aucunement gérer des problèmes extrasportifs. Aujourd'hui notre club est pénalisé, nos supporters aussi, et il est sûrement temps de faire notre autocritique pour voir ce qui va et ce qui ne va pas. À partir de cet instant, je ne parlerai plus de “qui a brûlé quoi”. Mon principal souci est de gérer la JSK et de faire honneur à tous ceux qui m'ont élu à la tête du club et à tous les supporters qui se sont déjà mobilisés par dizaines de milliers pour porter littéralement leur club, notamment en Coupe d'Afrique. Ne pensez-vous pas qu'il est urgent de sensibiliser vos milliers de supporters qui peuvent être entraînés à la casse par une poignée de perturbateurs ? Si le huis clos est encore de rigueur pour la JSK, il est vrai qu'il faut sensibiliser, durant cette trêve déjà tous nos supporters, pour les appeler désormais au calme et à la préservation totale du club. Je pense que le premier match joué à huis clos à Boumerdès face à l'ASO s'est déroulé normalement et je pense aussi que tout se passera dans les meilleures conditions possibles même à Tizi Ouzou. J'espère que tout le monde se mobilisera autour de la JSK pour se dresser contre les quelques agitateurs qui veulent lui porter préjudice. N'avez-vous pas eu le sentiment que la JSK, qui vient d'honorer grandement le football algérien, a été sacrifiée quelque peu hâtivement par les autorités footballistiques ? Personnellement, j'ai une confiance totale en M. Raouraoua qui fait un travail remarquable à la tête de la FAF, mais beaucoup de zones d'ombre subsistent au niveau de la LNF. S'il existe certaines compétences reconnues au niveau de la Ligue nationale, il faut bien admettre qu'il y a parfois des choses anormales. Lorsqu'on rappellera que la sanction du stade de Tizi Ouzou a été décidée hâtivement, lundi soir, quelques heures à peine après les incidents du match JSK-MCO et, que j'avais même su, au cours de la même soirée, que le stade de Tizi Ouzou venait d'être suspendu et que la JSK allait jouer à Boumerdès à huis clos, je me pose bien des questions et cela nous a fait mal, très mal. Certains médias ont justement évoqué une véritable “guerre” entre M. Hannachi, président de la JSK et M. Mecherara, président de la LNF … Rien de tout cela ! J'ai d'excellentes relations avec M. Mecherara. Pour preuve, lors de la réception offerte dimanche soir à l'hôtel Sheraton par la FAF, M. Mecherara et moi avions posé côte à côte, pour une photo-souvenir avec la Coupe d'Afrique. Ce n'est que de la spéculation. Pourtant, vous avez dénoncé certains “clubards” qui siègent dans la LNF… Oui, j'ai fait allusion à des gens qui sont partout. Je pense que lorsque quelqu'un est déjà élu au niveau du Bureau fédéral, il n'a pas à prendre de commission au niveau de la Ligue nationale, à moins qu'il y ait quelque chose derrière la tête. Tous ceux qui ont été élus à la FAF doivent s'atteler à des efforts de réflexion et de développement du football national au lieu de cumuler à des calculs malsains, voilà tout. Pour revenir aux incidents regrettables de Tizi Ouzou, ne pensez-vous pas que le public de la JSK est devenu trop exigeant et n'admet plus la moindre défaite ? Je vais vous faire une confidence. Avant de remporter la 3e Coupe de la CAF consécutive et d'arracher donc notre 6e étoile africaine, j'avais avancé à des amis proches que Hannachi allait payer très cher un tel succès. Et cela s'est vérifié même au détriment de ma santé, non ? Jouons franc jeu ! Pourquoi le payer cher ? De tout temps, en tant que joueur ou dirigeant, j'ai toujours été un gagneur, et cela dérange beaucoup de gens qui se demandent comment s'arrange Hannachi pour financer tout le club et rafler bien des titres. Malgré toutes les zones de turbulences qui ont secoué notre région la Kabylie, la JSK a toujours fait face à ses exigences sportives et financières, et je suppose que Hannachi dérange bien des gens surtout lorsqu'il parvient à trouver un grand nombre de sponsors tout aussi désireux et fiers de s'associer à l'image de marque de la JSK. Le dernier en date est Blanky et je pense qu'il apportera encore un plus. Mais vous êtes habitué à une telle adversité... D'accord, mais il y a des limites. Je vais avoir bientôt 53 ans et le poids des années commence certainement à peser. Ce n'est pas facile de gérer le sport et de faire face à l'adversité teintée de méchanceté même si ce dernier me procure bien des satisfactions. À titre d'exemple, j'ai eu bien du plaisir à revoir, dimanche, dernier, les “anciennes gloires” de l'historique équipe du FLN et surtout Abderrahmane Defnoun, que je n'avais pas revu depuis de longues années. J'avoue que notre rencontre était pleine d'émotion lorsqu'on rappellera que Defnoun a été un brillant entraîneur-joueur à la JSK dans les années 1966/67. C'est dommage qu'on n'ait pas eu ses coordonnées pour l'inviter à assister au match de Coupe d'Afrique, ce qui pourrait être envisagé à l'avenir. Donc, l'objectif de la JSK reste la première ou tout au moins la seconde place en championnat… C'est sûr que nous allons jouer à fond ce championnat. Cette trêve nous sera certainement très bénéfique pour nous préparer en conséquence. Nous avons déjà un bon effectif qui sera étoffé de nouvelles recrues et nous comptons bien jouer les premiers rôles. L'année dernière, à pareille époque, nous avons onze points de retard, cette année, sept seulement, et je pense qu'avec le retour de Saïb et de Ghazi mais aussi la guérison de Medjadj et Deham, la JSK fera mal, très mal. Des éclaircissements concernant le Malien Coulibaly et le Brésilien Amaral... Coulibaly n'a pas été retenu et il est rentré depuis dimanche chez lui à Bamako, car avec le retour de Ghazi, la JSK ne pouvait se permettre d'engager un autre avant-centre surtout que Deham ne va pas tarder à reprendre du service. Quant au Brésilien Amaral, il arrive en principe à la fin du mois et Hakim Medane est toujours en contact avec son manager. Après la Coupe d'Afrique et la fin de la phase aller du championnat, quelle est votre appréciation objective sur votre nouveau coach Jean-Yves Chay ? C'est un entraîneur qui connaît bien son travail même s'il n'a pas été toujours gâté dans son parcours en raison des nombreuses blessures engendrées par le périple africain. Bien sûr, il a été à la hauteur et il a désormais ma confiance totale. Je pense qu'un coach qui gagne 4-0 dans une finale de Coupe d'Afrique classée meilleure des trois Coupes africaines de cette année, mérite tous les éloges. C'est peut-être l'occasion pour lancer un appel à votre public ? Oui, nous lançons un appel pressant à tout notre public pour faire preuve de calme, de sérénité et de responsabilité pour que le club ne soit pas sanctionné à chaque fois. Par ailleurs, il est temps que toutes les parties prenantes de notre région, la Kabylie, fassent un diagnostic précis sur la situation de la région pour trouver les meilleures solutions de sortie de crise et entrevoir l'avenir avec optimisme. En Kabylie, il y a actuellement trop de divisions et il est certainement temps de dépasser toutes les passions et les querelles de toutes sortes. N'êtes-vous pas irrité lorsque certaines voix vous reprochent d'être “manipulé par le pouvoir” ? Je ne sais pas si ce pouvoir m'utilise pour faire perdre la JSK ou le faire gagner. Cela reste un grand paradoxe dans la mesure où la JSK a souvent gagné avec l'apport conséquent de ses sponsors privés qui n'ont certainement rien à voir avec le pouvoir. Cela dit, la JSK et son président ne peuvent échapper à certaines contraintes protocolaires qui ne font qu'honorer le club dans les grandes circonstances. Personnellement, je n'ai jamais fait de politique et je n'en ferai jamais. Certes, je suis peut-être un homme public et en tant que tel, je ne peux pas toujours faire l'unanimité. Il est vrai qu'il n'est pas facile de gérer un grand club comme la JSK en Kabylie où toutes les convoitises politiques sont quotidiennes, mais je tiens à affirmer solennellement que tant que je serai président de la JSK, je me battrai de toutes forces pour préserver le club de toute tutelle politique d'où qu'elle vienne. Cela exige des sacrifices et même des souffrances, mais il n'y a pas d'autre choix. Souvent, on m'a traité de fou pour avoir dénoncé certains semeurs de troubles contre la JSK mais sincèrement a-t-on le droit de se taire lorsque l'avenir du club est réellement en danger ? La JSK ne peut-elle pas servir justement de trait d'union en Kabylie pour atténuer les conflits politiques ? En politique, il y a toujours des divergences inévitables et ce n'est pas à la JSK de les aplanir surtout que, au risque de me répéter, la JSK ne doit être mêlée à aucune considération politique. Chacun a son domaine, et le nôtre, c'est le sport. Dans le monde entier, les clubs sont épargnés par la politique et la JSK ne devrait pas faire exception au risque de menacer sa stabilité et son avenir, voilà tout. Au fait, il paraît que la JSK a été invitée à un grand tournoi international à Marseille… C'est Mounem Khalifa qui m'a fait part de ce tournoi où il aurait déjà avancé la participation de la JSK. Même la FAF est au courant de ce tournoi, mais je ne sais pas si notre calendrier nous permettra une telle programmation qui aura lieu en février à Marseille. Le dernier mot… Cela a été un honneur et un grand plaisir de partager de bons moments de détente et de convivialité avec tous les travailleurs du quotidien Liberté. Tout le monde était content de festoyer autour de la coupe d'Afrique tout en échangeant des cadeaux-souvenir.C'es certainement cela la beauté du sport. Dans une salle de rédaction où il n'y a que des papiers et des ... gâteaux, je pense qu'il n'y a pas de place pour… la violence comme celle que l'on voit malheureusement dans les stades. Sincèrement, il est temps de tirer la sonnette d'alarme ! S. B, M. H, H. M, A. O. K. Y.