Le rôle de l'Etat est de contrôler et c'est à l'opérateur économique de fixer le capital de l'entreprise. Le président de la Ligue des investisseurs algériens (LIA), également membre du Conseil consultatif des PME/PMI, M.Abdelouahab Benzaïm est revenu dans cet entretien sur les différentes questions qui alimentent l'actualité nationale, notamment l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'UE et son impact sur l'économie nationale, l'accession de l'Algérie à l'OMC et le processus de la réforme bancaire. Il propose aussi des alternatives permettant d'orienter et de développer l'économie nationale. L'Expression: L'accord d'association avec l'Union européenne est entré en vigueur la semaine dernière. Croyez-vous que le produit algérien peut concurrencer le produit européen? M.Benzaïm: La signature de l'accord d'association avec l'Union européenne est un grand pas pour l'Algérie sur le plan économique. La Ligue des investisseurs algériens a assisté aux assises et aux conférences organisées concernant l'accord. Cependant, des inconvénients ont été relevés dans cet accord mais qui ne devraient pas trop influer sur l'économie nationale au vu des avantages à tirer de cet accord, notamment la concurrence. Celle-ci permettra aux entreprises de différents secteurs de s'adapter aux nouvelles règles et normes internationales du marché. Il faut rappeler que, deux ans après son entrée en vigueur, l'accord d'association avec l'UE prévoit la baisse des droits appliqués aux semi-produits et aux équipements industriels et agricoles de 20% du droit de base, puis de 30% l'année suivante, puis de 40%, 60%, 80% pour être enfin éliminés au bout de 7 ans. Les droits appliqués aux autres produits connaîtront une baisse annuelle de 10%, pour atteindre 5% du droit de base durant la 11e année avant d'être entièrement supprimés 12 ans après l'entrée en vigueur de l'accord. L'accord prévoit aussi de réduire graduellement les droits de douane et taxes d'effet équivalent applicables aux importations algériennes de l'UE. Ainsi, dès l'entrée en vigueur de l'accord, les droits appliqués aux importations des matières premières sont carrément supprimés. Le challenge qui doit naître de cette adhésion à la zone de libre-échange se situe dans la capacité et la volonté des entrepreneurs algériens de garder leurs parts de marché à l'intérieur des frontières et d'en gagner d'autres à l'étranger. Mais le produit national peut-il concurrencer le produit européen? Je pense que non si on sait que 80% des consommations algériennes sont européennes et que le processus des réformes économiques connaît, et c'est une vérité, un rythme d'évolution faible, notamment les privatisations. Comment voyez-vous l'avenir du commerce extérieur après la signature de l'accord? Sincèrement, je ne vois pas de production ni d'exportation en Algérie. Le bilan des exportations de ces dernières années renseigne déjà sur la situation actuelle. Elles sont estimées à 465 milliards pour le premier semestre de l'année en cours. C'est infime comparativement au volume des importations. La part de l'industrie dans les exportations est actuellement de 9% alors qu'elle était de 18% en 2001. Selon l'accord d'associations, les exportateurs algériens de produits industriels et leurs homologues européens ne paieront plus, à terme, de taxes douanières. C'est ce qui fait que les producteurs nationaux préfèrent s'orienter vers l'importation. Il faut donc ouvrir la voie au partenariat avec les étrangers. La Ligue demande à l'Etat d'encourager l'investissement, dans une entreprise d'association avec les Européens. C'est-à-dire les opérateurs économiques algériens offrent la main-d'oeuvre, l'assiette foncière et la partie étrangère offre sa technologie et son savoir-faire. C'est uniquement avec cette politique que nous pourrons assurer la protection du produit industriel national. Je peux vous dire aussi que l'Algérie peut bénéficier de cet accord dans trois secteurs importants pour l'économie nationale, à savoir l'agriculture, le tourisme et les services. Il faut inciter et encourager les opérateurs économiques à investir dans ces trois secteurs pour faire évoluer notre économie dans le bon sens. Il y a donc urgence et j'insiste sur le mot urgence de mettre la machine en marche et de soutenir l'exportation hors hydrocarbures car la mise en oeuvre de l'accord va engendrer un accroissement des importations en provenance de l'UE. Le ministre du Commerce El Hachemi Djaâboub a déclaré dernièrement que l'Algérie n'est pas pressée d'adhérer à l'OMC, qu'en pensez-vous? Ce n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie de retarder son adhésion à l'OMC. L'Algérie est en train de s'accorder le temps nécessaire pour préparer son économie à la concurrence, achever les réformes et négocier au mieux cet accord, mais cela va se répercuter négativement sur notre pays. C'est l'Algérie qui va adhérer à l'OMC et non pas le contraire. Je m'explique : à chaque fois qu'il y a report, de nouveaux règlements et de nouvelles dispositions sont introduits auxquels l'Algérie doit impérativement s'adapter en respectant la série de critères introduits dans différents domaines. Il faut aller à l'OMC, mais ce qu'il faut en revanche, c'est bien s'y préparer. Un vaste plan d'action a été entamé pour répondre à l'urgence de la réforme bancaire. Que proposez-vous dans ce cadre? La réforme bancaire est le noeud des problèmes d'investissement et de l'industrie et le processus de privatisation des banques accuse un retard. Pour la mise en oeuvre de cette réforme, plusieurs actions doivent être réalisées et qui doivent être axées surtout sur l'amélioration du marché des crédits. Je peux vous dire que 46.000 dossiers d'investissement attendent leur financement, y compris les dossiers de l'Ansej. Je ne dis pas que c'est les P-DG de ces banques qui bloquent ses dossiers, mais c'est le règlement qui gère ces institutions qui est remis en cause et doit être révisé. On impose à l'investisseur un apport personnel de 30 à 40% en plus des garanties qui dépassent les 200%. Aussi, les dossiers ne sont pas étudiés à temps et dorment jusqu'à 2 ans dans les tiroirs. Il faut faciliter l'accès au crédit et surtout rétablir le principe de l'égalité dans la distributions de ce dernier. De ce fait, il y a urgence à accélérer le processus de la réforme bancaire pour faire jouer aux banques leur rôle naturel de financement de l'économie et à offrir à cette dernière un cadre propice à la croissance et à l'investissement dans un marché national et international en pleine évolution. La Ligue propose dans ce cadre, que l'investisseur et la banque soient partenaires et que cette dernière supportera un taux de risque d'au moins 15% comme il est appliqué dans d'autres pays. Et cela reste tributaire d'une décision politique car si on donne le feu vert à ces dossiers, un million de postes d'emploi permanents seront créés dans le secteur privé. Qu'avez-vous préconisé en tant qu'organisation patronale dans le pacte social et économique? Outre la révision salariale, les suggestions de la LIA sont beaucoup plus techniques. Elles vont dans le sens de définir les mécanismes devant accompagner et mener vers la réussite de la transition économique. Elles mettent en exergue la nécessité de trouver des solutions aux problèmes qui entravent les activités économiques, notamment le foncier industriel. Cela fait cinq ou six ans qu'on parle de cette question mais rien n'a été fait dans ce sens. L'Etat doit mettre le paquet pour mettre à niveau les zones industrielles. Aussi, le pacte social et économique devra définir non seulement les rapports entre les partenaires sociaux et le patronat, mais aussi la politique économique du pays. Nous demandons ainsi que les mesures qui seront prises après la signature du pacte soient appliquées sur le terrain. Quel est votre position par rapport à la loi de finances complémentaire 2005? Je considère qu'imposer deux milliards de centimes aux importateurs est une procédure abusive. Elle n'est pas logique au plan économique. A mon avis, le rôle de l'Etat est de contrôler et c'est à l'opérateur économique de fixer le capital de l'entreprise.