Les partis politiques engagés affûtent leurs armes et retiennent leur souffle tant sont cruciaux les enjeux. L'heure est au compte à rebours. Jeudi 29 septembre, les Algériens donneront leurs voix ou non au projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale que le président de la République soumet à une consultation référendaire. La campagne, effrénée qu'elle a été durant ces derniers jours, entame dès aujourd'hui son dernier quart d'heure et les regards aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'étranger seront désormais tournés vers cette date fatidique. Le chef de l'Etat, qui fait de son plan de paix l'élément moteur de son programme politique, s'est engagé, depuis le début de la campagne, à promouvoir personnellement la mouture en sillonnant une dizaine de wilayas, signe de son attachement presque viscéral à la solution politique - la réconciliation nationale - qu'il a promise de proposer depuis son investiture à la tête de l'Etat en 1999. Les partis politiques, engagés - soit pour le soutien ou le rejet du texte - affûtent leurs dernières armes et retiennent leur souffle tant sont cruciaux les enjeux et grande est l'opportunité de s'offrir une place de choix dans l'échiquier politique post-référendum qui s'annonce d'ores et déjà exigu. Ils jouent des coudes. Partisans du oui indiscutable, l'Alliance présidentielle en tête, et ceux prônant le soutien critique à l'image du Parti des travailleurs, du MRN de Djaballah...ont chacun à sa manière tenté de convaincre l'électorat des bienfaits de la charte, notamment dans son volet sécuritaire. Les plus irréductibles opposants dont on peut citer le MDS (Mouvement démocrate et social) du défunt El Hachemi Chérif, le FFS et, dans une moindre mesure le RCD de Saïd Sadi...ont, en revanche, et comme il fallait quelque peu s'y attendre, ouvert le feu avec une rare violence sur ce projet et sur son initiateur. A l'unisson, ces derniers, ainsi que nombre de personnalités dont Abdelhamid Mehri, ancien SG du FLN, accusent le pouvoir d'avoir banni le débat contradictoire et de mener une campagne à sens unique dans laquelle l'opposition est systématiquement exclue. Sur le fond, les choses se sont pas moins gâtées. Si le principe de la réconciliation, autrefois - dans les années 90 était sujet à moult divergences - semble avoir rallié l'ensemble de la classe politique, il n'en est pas de même en ce qui concerne d'autres sujets qui fâchent comme celui des disparus. C'est sur cette question justement que les attaques furent les plus acerbes et une vive polémique entre les familles des disparus et les promoteurs du projet s'en est suivie. La question kabyle et l'officialisation de la langue tamazight ont été aussi, au coeur de la controverse. Car au moment où tout laissait croire en une solution rapide, le chef de l'Etat, en écartant définitivement l'idée d'une officialisation que d'aucuns ont parié sur son imminence, a coupé court à tout espoir laissant ipso facto les militants de cette cause sur leur soif. L'autre fait inédit: le retour en force mais sur un ton moins uniforme, des signataires du contrat de Sant'Egido de Rome. Abdelhamid Mehri flanqué d'Aït Ahmed (président du FFS), de Ali Yahia Abdenour (président de la Ligue algériennes de la défense des droits de l'homme) et dans une certaine mesure de l'ancien Premier ministre Mouloud Hamrouche, d'Ahmed Ben Bella...tentent, dans un contexte qui leur est, semble-t-il, favorable, de se frayer une place dans un paysage politique appelé, selon certaines voix, à connaître de profonds bouleversements Extra muros, le président Bouteflika a mis à profit cette campagne pour régler les modalités du très controversé pacte d'amitié algéro-français et pose clairement les conditions de sa légalisation. En chef artilleur, Bouteflika lance des boulets rouges sur la loi sur les expatriés et somme le gouvernement français de présenter officiellement ses excuses au peuple algérien pour une colonisation destructive de 130 années. Plus d'un mois donc d'une campagne qui aura entre autres le mérite d'avoir situé les différents acteurs politiques - partisans et opposants de la charte - par rapport aux sujets de l'heure. Inégale certes, puisque l'on a assisté à une course qui n'a pas mis les belligérants sur un pied d'égalité sans parler, surtout, du matraquage médiatique enclenché en faveur des partisans du texte. Mais reste tout de même une remarque qui se dégage de ce tohu-bohu : l'ère du tout- sécuritaire qui a fait long feu dans les années de feu, semble bel et bien révolue.