Le président n'a pas épargné ses «adversaires de 2004», les démocrates, et il a dit niet aux chefs du FIS dissous. Devant des milliers de citoyens rassemblés, hier, au stade semi-olympique du 18-Février à Laghouat, le président de la République a accusé la mouvance démocratique d'avoir aggravé la situation durant les années de résistance aux islamistes armés. «Les démocrates, qui sont tombés dans le piège et qui ont combattu la violence, ont allumé le feu de la violence et ils ont ajouté de l'huile sur le feu», a accusé M.Bouteflika, qui a mis «ces comportements» sur le dos de «la démocratie anarchique » qui a régné, selon lui, durant les années 90, au lendemain de l'ouverture politique. «C'est cette démocratie anarchique qui a créé des conditions ayant permis à certaines personnes de prendre les armes, de verser dans la violence au nom de l'Islam», a-t-il ajouté avant de réaffirmer: «Nous ne voulons pas d'un Etat islamique ni d'un Etat laïc. La Constitution est claire, elle stipule que l'Islam est la religion d'Etat.» Dans un discours de près d'une heure, «bariolé» de sourates et hadiths, le président de la République a égratigné, en plus des démocrates, ses adversaires politiques durant la présidentielle de 2004 et a fait allusion à certains éléments de l'ANP. «Le peuple a su faire le discernement entre ceux qui jouaient la trompette et ceux qui travaillaient. Il a dit son mot le 8 avril 2004, et il (ses adversaires, Ndlr) les a renvoyés chez eux.» Devant une foule à l'accueil correct, l'hôte de Laghouat a appelé les citoyens à saluer l'Armée nationale avant de prendre un subtil raccourci pour nuancer son vibrant hommage: «Rendez hommage à l'ANP car ce n'est pas à cause d'une tomate pourrie qu'on va jeter toute la corbeille», a-t-il dit sans plus de précisions. Il y a une semaine à Béchar, M.Bouteflika a déclaré que certains cercles au sein du pouvoir refusent le projet de charte pour la réconciliation nationale. Pour la première fois également, le président de la République a ouvertement évoqué le FIS dissous et ses dirigeants. «Des frères du mouvement dissous (le FIS dissous, Ndlr) m'ont contacté et m'ont dit que je n'ai pas été juste envers eux», a-t-il confié en allusion au point de la charte qui interdit le retour à l'activité politique des responsables de la décennie rouge. «Il n'est pas possible de faire revenir sur le champ politique ceux qui ont brûlé le pays», a-t-il affirmé en demandant toutefois à ces responsables du FIS dissous de comprendre la situation en ces moments de réconciliation. «Il faut que chacun fasse des concessions.» La même demande a été faite aux familles des disparus. «J'ai moi-même perdu un neveu. A ce jour, je ne sais pas si ce sont les terroristes qui l'ont enlevé ou les forces de sécurité. Le dossier est sensible, grave, mais je ne peux ramener une personne disparue depuis dix ou quinze ans. Je souhaite seulement qu'ils reviennent. L'Etat doit régler le problème et nous le règlerons», a lâché M.Bouteflika, avant d'avertir: «La question des disparus n'est pas une raison pour brûler le pays.» Saluant l'hospitalité des Laghouatis, le courage de ses moudjahidine et la beauté des filles de la région, le président a appelé les citoyens à se rendre massivement aux urnes le 29 septembre prochain pour exprimer librement leurs voix sur le projet de charte. «Votez par oui ou par non, je respecterai le choix de la majorité», a promis M.Bouteflika. Cependant, il a souligné dans son discours que si le peuple algérien refusait aujourd'hui cette réconciliation, cette solution, il l'adoptera demain ou après-demain. «C'est la seule solution pour sortir de la crise.» «La solution est entre nos mains, entre les mains de tous les Algériens, elle est algérienne, elle ne vient pas de l'étranger.» A partir de Laghouat, le chef de l'Etat a appelé les Algériens à effacer les images de la terreur, de la violence par l'esprit du pardon et de la réconciliation, avant de scander par trois fois, du haut de sa tribune: «Quinze ans barakate!» Il a exhorté le peuple algérien à considérer la situation vécue par le pays durant ces quinze dernières années comme «une tragédie nationale».