Le 26 décembre 2001, cela fera exactement dix ans, jour pour jour, que le FIS, parti dissous, était sur le point de prendre légalement et par la voie des urnes, le pouvoir et installer ainsi la première république islamique au Maghreb. Si presque la moitié des Algériens a choisi de boycotter les élections et que d'autres ont adopté le parti d'Abassi Madani comme mode de vie et d'«idéologie» politique, certains ont préféré «le vote sanction» pour exprimer leur ras-le-bol de trente années de règne du parti unique. En dépit de cela, le FLN a obtenu 1,7 million de voix et 15 sièges, alors que le parti d'Aït Ahmed a, bien sûr, tiré son épingle du jeu en en obtenant 25, avec seulement 510.000 voix. Le FLN venait de tomber grâce à son propre piège, le découpage électoral. Fort de son soutien populaire et sa position politique, le FFS organise le 2 janvier 1991, une importante marche pour «sauver l'Algérie et la démocratie». La devise du «Ni Etat policier ni république islamique», prenait alors tout son sens quand il s'agissait de parler de la montée inquiétante de l'intégrisme. Le FIS avait déjà montré ses vraies intentions quand il s'emparait de 60% des conseils municipaux. D'abord, il procéda par la suppression de l'ancienne devise du FLN «Par le peuple et pour le peuple» en la remplaçant par «mairie islamique». Puis à interdire la mixité dans les établissements scolaires, notamment dans les bibliothèques municipales. Les excès des responsables islamistes sont allés jusqu'à interdire un concert de Lynda de Suza durant le mois de Ramadan, organisé par le CCI qui était dirigé à l'époque par Sid-Ahmed Agoumi. Mais l'affaire qui a suscité de vives réactions de la part de la société civile a été la fermeture du Conservatoire de musique et l'attaque de l'Institut d'art dramatique de Bordj El-Kiffan. Des actes condamnables auxquels il faut ajouter la chasse aux couples effectués dans les discothèques et les lieux publics. Avant même d'arriver au pouvoir, le parti dissous appelait les Algériens, à travers les déclarations de l'imam de la mosquée de la Faculté centrale, Mohamed-Saïd, à se préparer à changer leurs habitudes vestimentaires et alimentaires. Un message adressé aux femmes qui ne portaient pas le hijab et qui continuaient leur affrontement idéologique en adoptant le style occidental: minijupe et jean serré. Mais surtout, à ces jeunes qui s'adonnaient à la boisson alcoolisée et écoutaient la musique. Bref, les responsables radicaux du parti dissous s'apprêtaient à installer une république basée sur la charia, encore plus féodale et archaïque que l'Iran ou l'Afghanistan. Dix ans après cette date historique, qui allait faire basculer le pays vers un autre destin, le débat sur l'arrêt du processus électoral demeure encore d'actualité. Si certains partis de classe politique comme le FFS, Ennahda et certains membres du FLN estiment que l'arrêt du processus électoral était une erreur politique qui a plongé le pays dans la et la destruction. En revanche, certains éradicateurs, tels le RCD, Ouyahia, Ghozali ou encore Réda Malek estiment que s'il n'y avait pas eu d'arrêt du processus électoral, l'Algérie aurait connu plus d'un million de morts et aurait été la prochaine cible des Américains après Kaboul. Un scénario qui n'est pas à écarter quand on voit la contribution des islamistes algériens dans la construction du mouvement iste internationale.