«Les islamistes partis à l'étranger en 1992, et qui n'ont donc pas commis de crime de sang, doivent être amnistiés». C'est ce qu'a déclaré le chef du gouvernement, M.Ahmed Ouyahia, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire français Le Point, dans son numéro paru jeudi. Il a indiqué que parmi les dizaines de milliers qui ont été jugés et condamnés, certains seront graciés, d'autres verront leur peine commuée. Le chef du gouvernement a indiqué, par ailleurs, qu'il y avait 21.000 personnes dans le maquis en 1994-1995, il en reste un millier. «Le président n'a jamais parlé d'amnistie générale. Ceux qui sont reconnus coupables de massacres collectifs sont exclus du pardon», a-t-il tenu à préciser. Il ajoutera que la charte prévoit une loi qui instaurera un mécanisme pour les redditions et que les services de sécurité remettront à ceux qui se rendront à une juridiction. Interrogé sur le traité d'amitié algéro-français, le sujet qui a fait couler, faut-il le souligner, beaucoup d'encre ces derniers jours, M.Ouyahia dira que l'Algérie désire cet accord tout en précisant que la turpitude de la loi votée le 23 février, consacrant l'aspect bénéfique du colonialisme, ne s'inscrit pas dans le sens de ce que voulaient les deux pouvoirs exécutifs. «La France souhaite un traité dans le même esprit que le traité signé avec l'Allemagne», a-t-il souligné. Pour lui, les rapports entre l'Algérie et la France sont des meilleurs et que pour passer à une étape supérieure, il faut tourner la page du passé. M.Ouyahia a fait valoir qu'il existe entre les deux pays suffisamment d'intelligence politique et de savoir-faire diplomatique pour trouver une solution. Il a expliqué que le colonialisme est un fléau mondial qui a laissé des lézardes profondes. «Et Chirac a dit des choses à Madagascar sur les événements de 1947», a-t-il poursuivi, soulignant que «nous n'avons pas le désir de gêner les autorités françaises, mais il faut admettre le passé, et il y aura du côté algérien une réponse digne». Sur le plan économique, le cap de l'économie libérale est irréversible, selon le chef du gouvernement. Interrogé sur les bénéfices de la production pétrolière dans le développement du pays, il répondra que le premier souci des pouvoirs publics est de ne pas s'endetter. Il citera dans ce sens les projets programmés par l'Etat qui va investir 55 milliards de dollars, plus 5 milliards pour le Sud et les Hauts Plateaux, d'ici à 2009. «Ce n'est pas une politique d'Harpagon. Mais nous gardons l'oeil sur le tableau de bord, car la situation est factice», a-t-il tenu à préciser. Il révélera dans ce sens qu'en 2004, l'Algérie a vendu, hors hydrocarbures, pour 780 millions de dollars et a importé pour 18 milliards. Selon lui, «si le cours du pétrole s'effondre et que dans trente ans nous n'en avons plus, ce sera l'Ethiopie». Prévoyant les risques économiques de l'après-pétrole, M.Ouyahia a souligné: «Notre volontarisme pour soutenir l'agriculture et l'industrie. Mais exporter 10 milliards de dollars hors hydrocarbures va nous demander dix ans». Sur les retombées de l'ouverture économique avec l'Europe, M.Ouyahia indiquera que dans sa partie non agricole, elle est bénéfique pour l'Algérie, malgré un passage douloureux qui risque de faire perdre 500.000 emplois. «Le plus difficile sera quand nous arriverons à l'abolition des droits de douane dans l'agriculture», a-t-il estimé.