La menace islamiste semble motiver, sinon prétexter la stratégie électorale du RND. «Il faut se mobiliser contre ces énergumènes en les disqualifiant par leurs crimes», lance Ouyahia quand on lui parle de repentis éligibles. Grillant cigarette sur cigarette, devant un morceau de gâteau non entamé, M.Ahmed Ouyahia paraissait conforté dans ses certitudes en déclarant que «le RND n'a pas d'état d'âme». Il rétorque ainsi lorsqu'on lui souligne que les acquis électoraux de son parti sont fondamentalement liés à la fraude de 1997. Lors de la réception donnée à l'occasion du 5e anniversaire du «benjamin de la classe politique» et à laquelle les journalistes des médias publics et privés ont été conviés, à l'hôtel Safir à Alger samedi soir, le secrétaire général du RND s'est prêté au jeu des question-réponses sur fond de brouhaha de birthday-party. Sourire malicieux au coin des lèvres, Ahmed Ouyahia a estimé, sûr de ces sources d'informations, que les différentes émeutes enregistrées à Labiod Sidi Chikh, wilaya d'El-Bayadh (Sud-Ouest), de Taref (Extrême Est), de Khenchela (Est) et de Djanet (Extrême Sud-Est) ont été fomentées par des «islamistes». De cette assertion aussi péremptoire, seule la thèse d'une coordination exceptionnelle dans le cadre d'une sorte d'«interwilayale islamiste» s'impose en conclusion. «Je ne dénie pas cette conclusion», glisse Ouyahia avec toujours ce sourire à l'appui tout en prenant le soin de préciser que les raisons de révolte sont réelles. La menace islamiste semble motiver, sinon prétexter, la stratégie électorale du RND. «Nous barrerons la route aux islamistes», a lancé Ouyahia aux journalistes avant d'être repris textuellement par Fatma-Zohra Flici, secrétaire générale de l'Organisation nationale des victimes du terrorisme dans un entretien au quotidien El Youm paru hier. Cette tirade de l'ancien Chef du gouvernement par deux fois et actuel ministre de la Justice était appuyée par cette autre déclaration: «Il faut se mobiliser contre ces énergumènes en les disqualifiant par leurs crimes». C'est-à-dire contre ces fameux repentis qui voudraient se présenter aux élections sur des listes indépendantes. Dans cet effort, les médias sont sollicités par le S.G du RND pour être ses «partenaires» afin d'éviter que «la démocratie ne soit l'échafaud et la corde de pendaison de cette même démocratie», tout en soulignant «les relations affectives» entre son parti et la presse. La question de la participation des repentis avait fait réagir le ministre de l'Intérieur, M.Yazid Zerhouni le 28 février à partir d'Oran en déclarant que «toute situation qui pose problème à l'ordre public doit être évitée». Le secrétaire général du RND, et néanmoins ministre de la Justice, qui ne voulait pas «piétiner sur les plates-bandes de son collègue de l'Intérieur», a estimé que la liste des individus concernés par les décisions d'amnistie et de Concorde civile sont archivées. «L'Etat a ses documents». On n'en saura pas plus. Quelques explications du ministre de la Justice font ressortir cette classification: ceux qui ont bénéficié des dispositions de la Concorde civile et qui sont soumis à une période de probation allant de 5 à 10 ans et durant laquelle ils ne jouissent plus des droits d'éligibilité et ceux qui ont été amnistiés et qui bénéficient d'un casier judiciaire vierge. D'où l'urgence, selon Ouyahia, de faire barrage aux candidatures de ces derniers qu'aucun texte de loi n'empêche de se présenter aux élections. Enjambant cette première mine artisanale du parcours vers le rendez-vous du 30 mai prochain, le secrétaire général a abordé la question des échéances électorales en Kabylie en estimant que, selon ses propres «analyses», il y aura «un encombrement de candidatures» dans cette région. «Personnellement, j'ai le sentiment que les élections se tiendront normalement en Kabylie», a t-il affirmé avec le plus convaincu des sourires. Le glissement, ici, a été vite opéré vers les conclusions du rapport Issad sur les événements de Kabylie. L'une des conclusions du rapport préliminaire de la commission d'enquête qui indique que la Gendarmerie a été parasitée par des forces externes à son propre corps donnant des ordres contraires, a été jugée par Ahmed Ouyahia comme étant «un commentaire regrettable». Il a insisté sur le sujet en évoquant le retard enregistré par la justice par manque de témoignages en dépit des appels formulés par les parquets de Tizi Ouzou et de Béjaïa. Au fil de la discussion avec les journalistes, Ahmed Ouyahia passait allègrement du poste de SG du RND à celui de ministre de la Justice. Il a appuyé ce numéro de trapèze en s'étonnant de cette vision d'une «démocratie à l'algérienne» où l'on s'offusque de la double casquette. «Il y a toujours ceux qui doutent du résultat d'un match de football en accusant le vent, l'arbitre, etc.», a t-il ironisé. L'occasion notamment pour Ouyahia, le ministre, de rebondir sur les derniers développements touchant son département. «Le rapport portant réforme de la Justice ne dort pas dans un placard», a-t-il tenu à préciser en réponse aux réserves émises dernièrement par Me Ksentini, président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme. «80% des travaux de la commission de la réforme du Code civil et de procédure civile au sein du département de la Justice sont achevés». Pour ce qui est de la révision du Code de la famille, Ouyahia a déclaré que la réforme du Code civil tend à un retour vers la situation d'avant 1984, date de la promulgation du code tant décrié. Quant à l'affaire du garçon tué par un contractuel de l'armée au niveau du Commandement des forces terrestres à Aïn Naâdja, Ouyahia a expliqué que la notion d'«acte isolé» signifie absence d'ordre de tir de la part de la hiérarchie, comme ce fut le cas, selon lui, en Kabylie. Il a reconnu, néanmoins ne pas être «très au courant de l'affaire de Aïn Naâdja».