Les avocats du président déchu contestent les conditions d'annonce du procès alors que l'Armée islamique appelle à voter «non» au référendum. En pleine préparation du crucial référendum du 15 octobre prochain, le gouvernement irakien a quelque peu surpris dimanche en annonçant la date du procès du président déchu, Saddam Hussein, fixé au 19 octobre. Cette proximité de deux événements clés de la vie politique et judiciaire de l'Irak n'est en rien innocente et porte en elle de lourds calculs politiciens. De fait, réagissant à cette annonce, le pool des avocats de l'ex-président irakien s'étonnait hier du fait que ce soit le porte-parole du gouvernement, Leith Koubba, qui ait pris la responsabilité d'aviser de la prochaine tenue du procès, alors qu'une telle procédure relève de la compétence du seul Tribunal spécial irakien, TSI, qui aura à juger l'ancien président irakien. Des membres de l'équipe de défense de Saddam Hussein se sont d'ailleurs insurgés hier, contre ce procédé lequel est, selon eux, «une décision politique (...) n'ayant aucune base légale». L'un des avocats de Saddam Hussein, Issam Ghazzawi, basé à Amman, estime ainsi que «ce n'est que politique. Cela n'a rien à voir avec la loi». «L'annonce de la date du procès, indique-t-il, est illégale parce qu'elle a été faite par le porte-parole du gouvernement (irakien) et non par le tribunal. Leith Koubba n'est pas le porte-parole du tribunal». MKoubba avait en effet annoncé dimanche que l'ex-président irakien et sept de ses proches collaborateurs seront jugés à compter du 19 octobre pour le massacre à Doujaïl, au nord de Baghdad, en 1982, de 143 chiites. Justifiant cet «accroc» à la procédure normale, le porte-parole du gouvernement avait indiqué avoir été «autorisé», (par qui?), à faire cette annonce du fait de «récentes fuites dans la presse» et de «l'absence d'un porte-parole officiel» du Tribunal spécial irakien (TSI). Ce qui est à tout le moins étonnant si l'on tient que le tribunal spécial a été créé précisément pour juger Saddam Hussein et les principaux responsables irakiens du régime déchu et a été doté de tous les moyens et compétences nécessaires pour ce faire. Cette démarche fait largement douter de l'indépendance de la justice qui va juger l'ex-président. Ce qu'un autre avocat de Saddam Hussein, Abdel Haq Alani, n'a pas hésité à mettre en exergue en déclarant à la presse que l'annonce du procès était « politiquement chargée », s'interrogeant: «Pourquoi le gouvernement fixerait-il une date pour le procès? C'est le tribunal qui doit faire ça» ajoutant: «Quand les politiciens se mêlent du processus judiciaire, on peut se poser des questions (comme) est-ce que la justice est indépendante?» Le choix de la date du début du procès, quatre jours après le référendum, les conditions de son annonce n'ont, à l'évidence, pas fini de susciter la polémique. Autre polémique, ouverte par le président de l'Irak, Jalal Talabani, un Kurde, qui s'est attaqué de front hier, aux pays arabes coupables, selon lui, d'être restés sans réaction face à la catastrophe du pont de Baghdad. Dans une conférence de presse tenue hier à Baghdad, M.Talabani a déclaré: «L'Irak ne va pas mourir de faim en raison de l'absence d'aides des pays arabes», se faisant ainsi l'écho de l'émotion ressentie par les Irakiens face à l'absence d'initiative humanitaire arabe envers l'Irak, traumatisé par la mort de près de 1000 personnes sur le pont d'Al-Aïmah. Et M.Talabani d'accuser: «Les pays arabes font peu pour l'Irak où ils ne se font pas représenter par des ambassadeurs», relevant: «Cela contredit l'intérêt qu'ils prétendent avoir pour l'arabité de l'Irak», allusion à la réaction arabe à propos d'un article du projet de Constitution irakienne ne soulignant l'appartenance à la ‘'nation arabe'' que des Arabes irakiens. C'est justement cet article controversé du projet de Constitution irakienne qui devait dominer hier la réunion à Djeddah du Conseil de coopération du Golfe (CCG, Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar). Sous le couvert de l'anonymat, un responsable du CCG a indiqué que les six pays «sont préoccupés par l'ambiguïté (d'un article du projet de Constitution irakienne) au sujet de l'identité arabo-islamique de l'Irak et espèrent avoir des éclaircissements à ce propos». Le projet de Constitution préoccupe d'une autre manière l'un des acteurs les plus violents de l'Irak, post-Saddam Hussein: l'Armée islamique en Irak qui appelait hier, les Irakiens à participer massivement au référendum du 15 octobre et à voter ‘'non''. L'Armée islamique prend ainsi une position opposée à celle de «l'Organisation d'Al-Qaîda en Mésopotamie» d'Abou Moussab Al-Zarqaoui qui avait appelé au boycott du scrutin. De fait, la bataille autour du référendum qui ne fait que commencer entre en concurrence, voire en collision, avec le procès annoncé de Saddam Hussein. Cela promet des jours mouvementés pour l'Irak qui en est déjà saturé.