Le pilier de la chanson et de la poésie kabyles Le prix Matoub-Lounès contre l'oubli sera décerné le 9 octobre prochain au pilier de la chanson et de la poésie kabyles, Slimane Azem, à titre posthume. C'est un choix des plus judicieux qui vient d'être effectué par les initiateurs du prix Matoub-Lounès contre l'oubli organisé autour de l'association culturelle «Amgud» de Drâa El Mizan dans la wilaya de Tizi Ouzou. En décernant le prix en question à Slimane Azem, c'est à la fois un hommage au Rebelle, mais aussi à son aîné. Ce choix a été motivé, apprend-on auprès des organisateurs, par le fait que cette année 2018, la Kabylie commémore le centenaire de la naissance de Slimane Azem qui a vu le jour au village Agouni Gueghrane dans la région des Ouadhias, le 19 septembre 1918. Il fallait donc honorer ce monument qui a beaucoup inspiré et marqué Matoub Lounès, surtout sur le plan musical. Faut-il rappeler d'ailleurs que Matoub Lounès a repris un grand nombre de musiques composées par Slimane Azem, non seulement pour rendre hommage à ce dernier, mais aussi pour interpréter ses propres textes? «Daghrib dhavarani» Parmi les musiques composées par Slimane Azem qui ont subjugué Matoub Lounès au point de les rechanter dans ses propres albums, on citera «Daghrib dhavarani», «Attas ay sebregh», «A Muh a Muh», «Effegh ayajrad tamurt-iw», etc. «Atas ay sebregh» est initialement une chanson d'amour chantée par Slimane Azem et Matoub l'a reprise pour rendre un hommage émouvant à Slimane Azem suite à son décès en France le 28 janvier 1983. Matoub Lounès a d'ailleurs intitulé cet album: «Tamaslayth n Slimane». Le Rebelle y dénonce vigoureusement le fait que Slimane Azem ait vécu durant toute sa vie exilé, loin de sa terre natale et privé des siens. Le fait aussi que Slimane Azem ait été frappé d'une censure, notamment par les médias publics (radio, télévision et journaux), à l'époque du parti unique, a aussi révolté Matoub Lounès qui en parle dans ses chansons dédiées à «Aami Slimane», comme l'appelait affectueusement le fils de Taourirt Moussa dans l'une de ses premières chansons. Cette dernière intitulée: «Ruh ayaqchich» est un dialogue imaginaire entre Slimane Azem et Matoub Lounès. Une pièce poétique extraordinaire Matoub tente de convaincre Slimane Azem et ceux qui l'en empêchent de retourner au bercail. Lounès Matoub décrit aussi Slimane Azem. Il s'agit d'une pièce poétique extraordinaire et émouvante chantée à peine quand Matoub Lounès avait commencé sa carrière, soit, une année après l'édition de son premier album intitulé «A yizem». On comprendra donc aisément à quel point Matoub Lounès a été inspiré et marqué par Slimane Azem, bien avant le début de sa carrière et jusqu'à la fin. D'ailleurs, une année avant son assassinat le 25 juin 1998, dans son avant-dernier album intitulé: «Au nom de tous les miens», Matoub Lounès avait également repris la musique de la chanson «Effegh a yajrad tamurtiw», en l'interprétant avec ses propres paroles. On peut donc conclure qu'incontestablement, Slimane Azem a été l'un des maîtres préférés de Matoub Lounès. Ce dernier doit beaucoup à Slimane Azem dans la percée artistique incroyable que le Rebelle a eue. C'est, en outre, loin d'être un hasard, si Matoub Lounès et Slimane Azem étaient les seuls deux chanteurs kabyles qui étaient interdits d'antenne à la Radio algérienne (même à la radio kabyle, Chaîne 2) avant 1988. Ce n'est qu'après les événements d'Octobre 1988 que les chansons de Slimane Azem et Matoub Lounès ont été enfin «tolérées» sur les ondes de la radio. Au vu de tous ces critères et de tant d'autres, on conclut donc que le choix de l'association culturelle «Amgud» de Drâa El Mizan, d'attribuer à titre posthume le prix Matoub Lounès contre l'oubli, édition 2018, à Slimane Azem est bien réfléchi et des plus judicieux. Notons enfin qu'en plus de Slimane Azem, deux autres personnalités du monde de la culture seront aussi récipiendaires du même prix. Pour l'instant, les noms de ces derniers n'ont pas encore été dévoilés par les organisateurs de ce prix.