Les victimes sont décédées dans les années 1970, 1980 et au début des années 1990 dans les centres de détention «non officiels». Le bagne de Tazmamart et autres centres de torture ne sont finalement que la face visible de l'iceberg. Au Maroc la torture est systématique durant plusieurs décennies. Pour cause, la découverte, hier de pas moins de 50 corps d'opposants au régime de Hassan II, relance le débat sur la violation des droits de l'homme, à grande échelle par le makhzen. Les corps en question ont été exhumés de fosses découvertes, dans le sud du pays par l'Instance équité et réconciliation (IER), une structure installée en 2003 par le roi Mohammed VI. Ce qui est d'autant curieux c'est le fait que cette organisation soit mise en place à l'initiative du nouveau roi. Une façon pour lui d'ouvrir une nouvelle ère dans l'histoire contemporaine du royaume, entachée d'une série de crimes et d'atteintes aux droits de la personne humaine. C'est une page sombre et surtout sanglante du règne de Hassan II qui vient d'être ouverte, par son propre fils. A noter que les victimes sont décédées dans les années 1970, 1980 et au début des années 1990 dans les centres de détention «non officiels» de Tagounit, d'Agdz et de Kalabt Mgouna (sud-est), indique un communiqué de l'IER. Les dates des décès ont été déterminées sur la base de documents des autorités centrales ou régionales ainsi que sur des témoignages que l'IER a pu recueillir. Plusieurs mois d'investigations et de nombreuses visites sur les lieux ont été nécessaires pour découvrir ces fosses. Cette organisation a publié les noms des 50 victimes de «la disparition forcée». Par ailleurs, des membres de l'IER ont été chargés de rendre visite aux familles concernées pour les informer des résultats des investigations. Ces dernières auront «la possibilité de se rendre sur les lieux d'inhumation quand elles le désirent», souligne l'IER. Ces familles sont établies dans des localités du Sud marocain , comme à El Ayoun et Smara, principales villes du Sahara occidental. A noter que le Maroc comptait de nombreux centres secrets de détention et de torture où les opposants politiques passaient des années, parfois plus d'une décennie sans procès. Combien d'opposants ont été tués dans des centres de détention et autres lieux tenus secrets? Y a-t-il encore d'autres fosses non encore découvertes à travers le royaume ? Personne n'est en mesure de se prononcer sur la nature, ni même les auteurs de ces disparitions, des exécutions extrajudiciaires et de tortures les plus atroces. Une situation que Mohamed VI, sitôt intronisé, a commencé à changer par la mise en place d'un projet de loi incriminant la torture. Un projet de loi qui prévoit de sévères peines de prison, à l'encontre des tortionnaires. Ainsi, tout aveu sous la torture et autres sévices sont punis par des peines allant de 5 à 15 ans de prison, assorties de fortes amendes, allant 10.000 à 30.000 dirhams. Ces peines de prison passent de 10 à 20 ans (avec des amendes de 20.000 à 50.000 DH) si la torture est exercée contre un magistrat, un agent des forces publiques ou un fonctionnaire de l'Etat lors de l'exercice de leurs fonctions. Ces sanctions sont aussi applicables aux groupes coupables de torture ou participation et surtout, pour toute personne, dans le cas de préméditation ou d'usage d'armes. Ce texte va plus loin pour prévoir la réclusion à la perpétuité contre les tortionnaires de mineurs ou de personnes diminuées par un handicap, une maladie ou par leur âge. En outre, le texte stipule qu'en cas de décès, sans intention de donner la mort, la peine prévue va de 20 à 30 ans alors que la prison à perpétuité est prévue dans les cas prémédités ou dans ceux où il est fait usage d'armes.