A l'intérieur de la cité, deux étudiants sont à la recherche d'une résistance électrique pour faire chauffer leur repas dans la chambre. Le Ramadhan à la cité universitaire, loin de la chorba familiale, constitue un véritable calvaire pour la communauté estudiantine appelée, conditions déplorables obligent, à subir quotidiennement de multiples aléas à Tizi Ouzou. Après une journée d'études harassante, l'étudiant est inéluctablement soumis, à partir de 16h généralement, à une situation qui ne dit pas son nom. D'autant que les résidences universitaires de la capitale du Djurdjura n'assurent guère le bien-être de la population universitaire en cette période de mois sacré. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui préfèrent faire l'impossible pour rentrer chez eux le soir. Cependant, ceux qui habitent loin de la ville des Genêts, doivent «s'adapter» à la situation. Cette dernière, comme à l'accoutumée, est bien évidemment caractérisée par d'interminables chaînes devant les restaurants, peu avant l'heure du f'tour. Une petite virée du côté de Hasnaoua, principale résidence pour les garçons de par son implantation à quelques lieues seulement du centre-ville, fait découvrir le vrai visage de l'atmosphère régnant à l'université, en cette période de Ramadhan. 15h. Une nuée d'étudiants s'amasse devant les réfectoires. Boîtes en plastique en main, à la place d'ustensiles, afin de se ravitailler en chorba et plat de résistance. La chaîne dure souvent au-delà de la rupture du jeûne. Parfois c'est la confusion. A l'heure du f'tour Les retardataires payent les frais de l'insuffisance des rations, car le service restauration ne peut aucunement établir les estimations précises du nombre d'étudiants convoitant ces lieux, pour la simple raison que d'autres étudiants, qui ne sont pas hébergés à Hasnaoua, convergent vers les restaurants de ce campus, à l'heure du f'tour. Cela sans parler, précisent certains étudiants, des extra-universitaires qui déambulent sans gêne et en toute quiétude à l'intérieur de la cité. A cela s'ajoute la qualité des repas servis. Certains étudiants interrogés estiment que la ration prévue est loin de constituer «une pitance» à donner à un homme qui a jeûné pendant plus de quinze heures. D'ailleurs, affirment-ils, cet état de fait a fait réagir la communauté estudiantine qui avait exprimé son ras-le-bol. La protestation n'a duré que le premier jour du Ramadhan où les résidents en colère ont envahi même la voie publique. «Le premier jour du mois sacré, où tous les résidents s'attendaient à un changement qualitatif et quantitatif dans le menu du f'tour, leur déception fut grande quand ils n'ont rien trouvé de changé. Il veulent nous faire sortir d'ici alors qu'il y a des étudiants en architecture qui font leurs études tout juste à côté» précise un étudiant.Effectivement, dans la nouvelle répartition des sites d'hébergement, la cité de l'ex-Habitat est réservée à la gent féminine pour contenir ce flux de nouvelles bachelières, notamment cette année, avait expliqué, pour rappel, Mme Larfi, directrice des oeuvres universitaires de Tizi Ouzou, lors de la dernière réunion du conseil de wilaya réservée, justement à la rentrée universitaire. 18h: à l'intérieur de la cité et non loin du pavillon A, deux étudiants sont à la recherche d'une résistance électrique pour faire chauffer leur repas dans la chambre. Le danger d'une électrocution? Se remplir la bedaine d'abord. 18h43 le muezzin appelle à la rupture du jeûne. La résidence se vide, seul le cliquetis des cuillères émanant des chambres. 15.000 étudiantes, 15.000 misères Moins d'une heure après la rupture du jeûne, la résidence commence, faute de moyens de distraction et d'occupation, à se vider. Les étudiants préfèrent aller vers d'autres «cieux» pour essayer d'oublier, un tant soit peu, le calvaire de la cité. Hormis le foyer dont le fonctionnement se limite à servir boissons, café, thé et gâteaux aux usagers, aucune autre activité, du moins pour la première semaine du mois sacré, n'a été organisée. Et dire que jadis, en pareille occasion, la fac faisait le plein avec des programmes d'animation ponctués généralement par des présentations théâtrales, des galas artistiques et même des conférences-débats étaient de la partie, à en croire certains anciens étudiants. «15.000 étudiantes, 15.000 misères», tels sont les propos d'une résidente qui estime que la situation s'est dégradée en cette période de Ramadhan. Le poids du nombre a terriblement influé sur les conditions prévalant au niveau de la cité. Toutefois, gérer un tel nombre d'étudiantes n'est pas une sinécure. Le décor est tout à fait identique d'une cité à une autre. Les étudiants vivent les mêmes affres, sauf que certains tentent de tenir le coup. «Il s'agit seulement d'une période de transition» déclarent certains d'entre eux. «Certes, je vis, à l'instar de mes autres camarades, un véritable calvaire à la résidence universitaire. Parfois, il y a manque d'eau, parfois des coupures d'électricité et chaque jour amène son lot de problèmes. Mais, Dieu merci, je suis en fin de cursus, et ce sera, lncha Allah, ma dernière année de souffrance», déplore une étudiante en 4e année économie. Ce n'est pas le cas pour sa copine de chambre, en 2e année biologie, qui a encore de «beaux jours» à tirer à l'université et qui espère que les conditions s'amélioreront à l'avenir. Quant à la cité universitaire d'Oued Aïssi, elle est prisée notamment par les anciens étudiants, et particulièrement par ceux des filières techniques. L'ambiance ramadhanesque à l'intérieur de cette résidence n'est pas différente de celle des autres sites. Les mêmes chaînes, les mêmes problèmes. Mais à la différence, qu'à la cité universitaire de Oued Aïssi, les étudiants prennent souvent les choses en main et essayent de s'organiser à leur convenance. Après le f'tour, en raison de l'éloignement de la cité de la ville, 7km, les étudiants préfèrent, pour la plupart, rester dans l'enceinte de l'établissement. Les discussions diffèrent d'un groupe à un autre. Les sujets abordés ont trait à l'actualité, surtout avec l'approche des élections locales. Il faut rappeler que l'université d'Oued Aïssi, était le bastion de l'activité politique estudiantine. On y trouve des militants de plusieurs formations politiques. Les débats sont souvent aussi constructifs que contradictoires. Ainsi, avec une tasse de café à la main, les étudiants, qui viennent de se débarrasser des examens de rattrapage, passent, eux aussi, à leur manière, la soirée ramadhanesque. Ils échangent des idées et les discutent jusque tard dans la nuit.