«Il y a des preuves convergentes montrant à la fois l'implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste», affirme Detlev Mehlis Detlev Mehlis, le chef de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, a remis jeudi, au bout de quatre mois d'enquête, son rapport au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan qui l'a rendu public dans la soirée de jeudi à New York. M.Annan a, à son tour, transmis ce rapport aux quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU. Dans la lettre d'accompagnement du rapport, le secrétaire général de l'ONU a fait état de son intention de demander au Conseil de proroger jusqu'au 15 décembre prochain la mission Mehlis, à la requête de ce dernier et également du gouvernement libanais. Nonobstant les attendus du rapport de la mission d'enquête onusienne, ce qu'il faut relever d'emblée est le fait que le document va directement aux faits en engageant la responsabilité de la Syrie, notamment (voir ci-dessus la réaction de Damas), dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. En effet, il y est dit textuellement dans ce rapport (voir les principaux points de l'expertise ci-dessus) qu' «il y a des preuves convergentes montrant à la fois l'implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste». L'assassinat de Rafic Hariri et de 20 personnes, dans un attentat à la bombe en plein Beyrouth le 14 février a été l'une des causes qui ont aggravé la crise libanaise. De fait, déjà à l'époque de l'attentat, de nombreux Libanais, singulièrement parmi les dirigeants de l'opposition, avaient pointé le doigt sur la Syrie accusée d'avoir commandité cet assassinat. Damas n'a jamais cessé d'affirmer que la Syrie n'avait aucun lien avec le meurtre de Hariri. Les conclusions de l'enquête de la mission Mehlis impliquent, a contrario, la Syrie dans un acte qualifié par le rapport de « terroriste ». Dans son rapport, Detlev Mehlis indique: «On peut raisonnablement penser que la décision (d'assassiner Rafic Hariri) n'aurait pu être prise sans l'approbation de responsables de haut niveau de la sécurité syrienne et n'aurait pu être organisée sans la complicité de leurs homologues au sein des services de sécurité libanais.» Enfonçant le clou, il estime par ailleurs que «le motif de l'assassinat était probablement politique». Le texte du rapport ajoute, d'autre part: «Toutefois, comme le crime n'a pas été l'oeuvre d'individus mais plutôt d'un groupe aux moyens perfectionnés, il est fort possible que la fraude, la corruption et le blanchiment d'argent aient également constitué des raisons pour certaines personnes de participer à l'opération». Pour le magistrat allemand -au vu de la réalité qui était celle du Liban à l'époque des faits incriminés - l'assassinat n'a pu être commis sans l'aval de responsables syriens de haut rang et souligne: «C'est un fait bien connu que le renseignement militaire syrien a eu une présence envahissante au Liban au moins jusqu'au retrait des forces syriennes à la suite de la résolution 1559. Les anciens hauts responsables de la sécurité au Liban étaient désignés par lui». Le rapport qui a été remis jeudi dernier au secrétaire général de l'ONU a été diligenté sous la direction du procureur allemand Detlev Mehlis entouré d'une équipe de plus de 100 personnes venues de 20 pays à l'issue de quatre mois d'enquête au Liban et en Syrie. Outre l'assassinat de Rafic Hariri, c'est singulièrement la prorogation - en septembre 2004 sous la pression de la Syrie - du mandant du président Emile Lahoud - qui venait à échéance en novembre 2004 - qui a ouvert la crise dans laquelle le Liban est depuis plongé. L'assassinat de Rafic Hariri le 14 février dernier a eu pour incidence d'accentuer un peu plus les fissures apparues dans le tissu politique libanais. De fait, le rapport Mehlis, confortant les accusations de l'opposition, a relancé les demandes de départ du président Lahoud, démission réclamée depuis des mois par l'opposition libanaise. Aussi, l'implication de services de sécurité proches de la présidence libanaise met en fait Emile Lahoud dans une situation à tout le moins délicate. Le président Lahoud se trouve d'autant plus en mauvaise posture que, selon le texte du rapport, un des « suspects » identifié par la mission Mehlis, Ahmed Abdel-Aal aurait «appelé sur le téléphone portable du président libanais Emile Lahoud à 12h 47, quelques minutes avant l'explosion», qui a coûté la vie à Rafic Hariri. Si, s'engouffrant dans la brèche ouverte par le rapport, l'opposition réclame avec insistance la démission du président Lahoud, un des potentiels candidats à la présidence libanaise, le leader chrétien Michel Aoun refuse pour sa part que le départ du président se fasse sous la pression de la rue ou de la majorité parlementaire. En tout état de cause, le rapport de mission Mehlis aggrave une crise libanaise qui met de nouveau à nu les déficiences d'un système politique qui a largement montré ses limites mais n'a pas su, ou voulu, tirer les leçons de la guerre civile (1975-1995) qui a ravagé le Liban.