Que pense Damas de la dernière résolution du Conseil de sécurité lui enjoignant de coopérer avec la commission d'enquête de l'ONU chargée de faire la lumière sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri ? L'on croyait, lundi soir, qu'elle en serait satisfaite puisque toute menace semblait écartée, pour l'immédiat il est vrai. Mais elle, qui déclarait son attachement à sa souveraineté, allait en être fortement déçue. C'est pourquoi affirmait hier une source syrienne haut placée, mais non identifiée, la Syrie « regrette » que la résolution 1636 ait été adoptée à l'unanimité et considère ce texte comme « injuste », tandis qu'un peu plus d'un millier de Syriens étaient rassemblés à Damas à proximité de l'ambassade des Etats-Unis, pour manifester contre les pressions qui pèsent sur Damas, au lendemain du vote de la résolution 1636. La société syrienne pour les relations publiques, à l'origine de cette manifestation, avait appelé à l'action « tous ceux qui rejettent les pressions et les menaces injustes contre la Syrie ». Une tente et des matelas ont été installés pour ce sit-in « permanent » organisé dans le quartier des missions diplomatiques à Damas. Un responsable syrien, auteur de cette première réaction, a ajouté que « cela suscite l'inquiétude et le regret parmi les Syriens ». Selon lui, « la résolution adopte d'une manière essentielle les conclusions hâtives contenues dans le rapport (du magistrat allemand Detlev) Mehlis », chef de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, a-t-il ajouté. Le Conseil de sécurité de l'ONU, réuni au niveau ministériel, a adopté lundi dernier, à l'unanimité de ses quinze membres, la résolution 1636 enjoignant la Syrie de coopérer à l'enquête de la commission Mehlis. M. Mehlis, qui a présenté le 20 octobre un rapport d'étape à l'ONU, a conclu à l'existence de « preuves convergentes » de l'implication des services de sécurité syriens et libanais dans l'assassinat de Hariri et affirmé que Damas n'avait pas coopéré à ses investigations. Pour sa part, la presse officielle syrienne affichait hier la volonté de la Syrie de coopérer avec la commission d'enquête de l'ONU. Sans commenter directement cette résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU et sommant Damas de coopérer à l'enquête sur des Nations unies sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, les quatre quotidiens syriens ont mis en avant les propos tenus par le ministre des Affaires étrangères syrien Farouk Al Chareh devant le Conseil à l'issue du vote. Tout en publiant le texte intégral de la résolution 1636, ces quotidiens ont évité de mettre en exergue les clauses de ce texte gênantes pour Damas, notamment la référence au chapitre VII de la Charte de l'ONU (qui inclut une possibilité de sanctions si la Syrie ne coopère pas) et les points enjoignant Damas de mettre les suspects à la disposition entière de la commission d'enquête de l'ONU, présidée par le juge allemand Detlev Melhis. Al Thawra titre ainsi : « Le Conseil de sécurité adopte une résolution expurgée de menaces de sanctions et réclame la coopération », ou encore, « Chareh : ‘‘Il existe une intention de nous accuser mais nous coopérerons avec la commission pour apporter des preuves accablant les criminels'' ». Cette lecture est à la fois partiale et partielle. Et elle n'a pas échappé aux plus hauts responsables syriens qui savent que l'enquête est loin d'être terminée, et aux observateurs attentifs quant à eux aux détails du texte (voir encadré). Sur quoi alors débouchera le travail d'investigation également pris en charge par des commissions libanaise et syrienne, et quelles en seront les conséquences si les pistes ouvertes par la mission onusienne s'avéraient justes ?