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La Fureur de Lire
Publié dans L'Expression le 30 - 10 - 2018

Pas moins de 970 maisons d'édition dont 270 exposants seront au rendez-vous, dès cette journée, des aspirations livresques plurielles des Algériens, Très couru, le Salon international du livre d'Alger revêt un intérêt particulier cette année puisque sa 23ème édition est placée sous le titre générique de Vivre ensemble.
Un moment que les Algériens veulent vivre et partager intensément, du 29 octobre au 10 novembre de la présente année, au Palais des expositions des Pins maritimes, à l'heure de la Chine qui sera l'invité d'honneur de cette importante manifestation. Et c'est loin d'être usurpé puisque ce pays a toujours été à l'avant-garde de la production livresque, en général et des éditions enfantines, en particulier. Que de chemin parcouru par ce pays ami depuis l'intervention aux «Causeries sur la littérature et l'art à Yenan (mai 1942)» du président Mao Tsé-toung. Une intervention annonciatrice de la Révolution culturelle qui devait mettre l'accent sur la liaison entre le travail littéraire et artistique et le travail révolutionnaire en général: «Notre but est d'assurer à la littérature et à l'art révolutionnaire les moyens de se développer sainement et d'apporter une contribution plus féconde aux autres activités révolutionnaires, afin que l'ennemi de notre nation puisse être vaincu et la tâche de la Libération nationale accomplie». Pour le Grand Timonier, si la lutte de libération du peuple chinois passe inexorablement par plusieurs fronts, sa préférence va vers deux d'entre eux, à savoir ceux de la plume et de l'épée, c'est-à-dire les fronts culturel et militaire même si pour vaincre l'ennemi, «nous devons nous appuyer en premier lieu sur l'armée qui a le fusil à la main. Mais à elle seule cette armée ne saurait suffire, il nous faut aussi une armée de la culture, indispensable pour unir nos rangs et vaincre l'ennemi». Depuis le Mouvement du 4 Mai 1919, une telle armée de la culture s'est constituée en Chine,. Elle a apporté une aide à la révolution chinoise en réduisant progressivement la sphère d'influence et en minant les forces de la culture féodale chinoise et de la culture compradore, qui est au service de l'agression impérialiste. Dans le cadre de ce standing hommage rendu à un pays qui a le mérite d'avoir été le premier à témoigner sa solidarité agissante avec le peuple algérien, admis et reconnu la création du GPRA, le 19 septembre 1958, le Sila accueille un prix Nobel de littérature, le Chinois Mo Yan primé en 2012.
Un prix Nobel de littérature au Sila
C'est Hamidou Messaoudi, son commissaire, qui en a fait l'annonce: «Il sera présent dans les stands dédiés à la Chine qui proposera un large panel d'ouvrages qui dépasseront les 2 000 titres en langues arabe et en anglais avec plus de 150 personnalités chinoises de la littérature qui seront présentes durant toute la durée du Sila.» Mo Yan, dont le pseudonyme signifie «Celui qui ne parle pas», a été récompensé pour son «réalisme hallucinatoire qui unit conte, histoire et monde contemporain». Mo Yan est le deuxième écrivain de langue chinoise à obtenir le Nobel après Gao Xingjian en 2000. Il a accédé à la notoriété en Occident grâce au film Le Sorgho rouge (1987), tiré d'un roman du même titre. Couronné par un Ours d'or au Festival du cinéma de Berlin, en 1988, cette adaptation à l'écran que nous devons à Yang Zimou met en scène une tradition chinoise héritée de Confucius qui donnait lieu aux transactions les plus sordides réduisant le plus souvent les futures épousées à envisager le mariage sous des jours particulièrement sombres.. Pour de nombreux confrères, l'énoncé du film n'a pas manqué de provoquer l'ire de certains esprits dogmatiques qui n'en auront retenu qu'une image cruelle, «honteuse» et sensuelle d'un pays «arriéré», peuplé de «primitifs». De l'avis même du commissaire du Sila, cette édition 2018 est notablement marquée par une participation en hausse estimée à 6,18% par rapport à la session écoulée nonobstant les dissonances à l'honneur dans le monde de l'édition nationale quelque peu émoussé par le recul de l'aide de l'Etat et la cherté des charges en relation avec la location des stands. A ce propos, l'augmentation des frais de location n'a pas manqué de susciter le courroux du Syndicat national des éditeurs du livre (Snel) qu'une telle décision est de nature à avoir «un impact négatif parce qu'elle pénalisera le lecteur et occasionnera des dommages importants pour les éditeurs. La décision du commissariat du Salon international du livre d'Alger (Sila) a été prise de façon unilatérale, sans la moindre consultation des éditeurs ni prise en considération de la difficile situation qu'endure l'industrie du livre et les éditeurs actuellement». De nombreux milieux ne sont pas loin de penser qu'une telle mesure ne peut pas être justifiée par l'invocation de la résorption graduelle de la crise économique et des dispositions de la loi de finances 2019. C'est, à l'évidence, une décision antinomique avec la politique du gouvernement en matière de soutien à la lecture et d'encouragement à l'industrie du livre soutient le Snel: «La décision du commissariat du Salon international du livre d'Alger portant sur cette majoration des prix de location des stands est en contradiction flagrante avec la Constitution, qui prévoit le droit du citoyen à la culture, et en infraction avec les règles de la concurrence économiques logiques». Ce n'est pas sans raison si le Syndicat national des éditeurs du livre interpelle les décideurs du pays afin de ne pas permettre l'échec de la plus grande manifestation culturelle annuelle en Algérie qui est considérée par son actuel commissaire comme étant la première à l'échelle arabe et africaine de par son engouement populaire.
Clin d'oeil à Kamel Daoud
Pas moins de 19 maisons algériennes d'édition seront absentes au Sila pour ces mêmes considérations alors qu'une vingtaine d'autres originaires du Monde arabe ont été priées de rester chez elles pour d'autres raisons liées, semble-t-il, au non-respect du règlement intérieur annonce Hamidou Messaoudi, soucieux plus que jamais d'éviter les couacs des précédentes éditions: «Tous les livres qui font l'apologie du terrorisme ou touchent à la dignité ou à l'identité de l'Algérie ou, encore, ceux qui ne sont pas déclarés par les éditeurs, seront exclus.» Pas moins de 54 titres ont fait les frais de cette mesure alors qu'une inspection permanente des stands est envisagée. De nombreuses personnalités du monde du livre et de l'édition seront au rendez-vous de cette 23ème édition qui a le mérite de tenter de sortir des sentiers battus puisque la même source nous apprend que le cinéaste français Costa Gavras présentera ses Mémoires sous forme d'ouvrage parallèlement à la programmation de ses films parmi lesquels Z à la salle Ali Maâchi et à la Cinémathèque algérienne. Maurice Audin sera présent au Salon du livre à travers un hommage appuyé que lui rendra l'historien français Gilles Maceron. Un autre fait mérite d'être mis à l'actif des organisateurs, c'est cette possibilité qui est donnée à pas moins de 120 000 élèves de visiter le Salon international du livre. Heureuse initiative que voici qui permettra certainement aux élèves et professeurs de revenir sur l'importance stratégique de la lecture dans un pays où l'oralité continue à dominer et où le recours au livre semble donner l'impression de s'émousser chaque jour davantage. En provenance de toutes les wilayate du pays, ces jeunes auront le loisir d'aller à la rencontre des auteurs forts nombreux en la circonstance mobilisés par leurs maisons d'édition parmi lesquels il est aisé de citer Kamel Daoud et Waciny Laredj, nous apprend Hamidou Messaoudi: «Je n'ai aucun pouvoir pour interdire à quiconque de participer à cet évènement. J'ai entendu récemment que j'avais déclaré que Kamel Daoud n'est pas autorisé à venir au Salon, alors que ce n'est pas vrai, il est le bienvenu et les portes sont grandes ouvertes pour lui et ses livres qui sont édités dans des maisons d'édition algériennes.»
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