Après treize ans d'exil, le responsable de la délégation parlementaire de l'ex-FIS décide de «décrocher». Après plusieurs contacts avec des officiels algériens, dont le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, Anouar Haddam a finalement décidé de rentrer en Algérie, à la veille du 1er Novembre prochain, «afin de participer à l'effort de paix» et mettre fin à sa situation de «réfugié politique» aux Etats-Unis. Cette information, communiquée par Haddam lui-même, a été confirmée par certains de ses proches de l'ex-FIS à Alger. Selon les termes du communiqué de Haddam, parvenu à notre rédaction, il répond ainsi favorablement à l'appel du président de la République qui lui avait été transmis via son représentant personnel, Abdelaziz Belkhadem, son homme de confiance et secrétaire général du FLN. «Je déclare au peuple algérien que je réponds ainsi à l'invitation qui m'a été faite par le président de la République par l'intermédiaire du ministre d'Etat, Abdelaziz Belkhadem, mardi 20 septembre, et que je rentre en Algérie pour continuer mes efforts à l'intérieur du pays, et en collaboration avec l'ensemble des forces et des personnalités politiques du pays, en vue de concrétiser une réconciliation nationale véritable.» Haddam, voulant bénéficier au maximum de cet effet d'annonce et prendre à témoin tous les Algériens, ajoute: «Je vous informe que je serai en Algérie samedi 29 octobre, et que le lendemain, dimanche 30 octobre à 11h précises, je donnerai une conférence de presse.» Cette «entrée en matière» de la part de l'ancien parlementaire du parti dissous peut être conçue comme une manière de jauger les véritables dispositions des autorités, sachant qu'elles interdisent, depuis plusieurs années déjà, aux anciens dirigeants du parti de s'exprimer publiquement. Haddam souligne: «Ce qui me pousse aujourd'hui à répondre favorablement à l'invitation qui m'a été faite, malgré l'état d'urgence et les périls sécuritaires induits par les « équilibres nationaux» actuels et liés aux clans éradicateurs, est ce que je considère comme le minimum requis pour démontrer notre disponibilité à participer activement et de manière libre à l'effort de paix national.» Renvoyant les protagonistes de la guerre dos à dos, Haddam suggère: «La concrétisation de la réconciliation nationale requiert que tout le monde se débarrasse des calculs du passé et concentre ses efforts sur la nécessité de construire la paix et de respecter son contenu spirituel, moral et profondément social, et qui, seul, peut tourner la page du passé et de la confrontation et mener la société vers l'avenir (...). Cela, évidemment, ne nous dispense pas d'oeuvrer pour la justice, le respect de la mémoire collective et sa préservation de toute tentative de falsification, le devoir de dire la vérité et de situer les responsabilités, la préservation des droits des citoyens et de la citoyenneté, et la levée des mesures de restriction sur tous les gens ciblés par ces mesures et la consécration effective des valeurs de la réconciliation, du pardon et de la fraternité.» Anouar Haddam, universitaire, natif de la région de Tlemcen, avait fait partie de l'intelligentsia islamiste proche de la djazaâra, avant d'intégrer le FIS en 1989. Député entrant au lendemain du premier tour des élections du 26 décembre, il entre en clandestinité après l'arrêt du processus électoral, avant de quitter l'Algérie en direction de la France, puis s'installe définitivement à Washington, aux Etats-Unis. Signataire au nom du FIS, en compagnie d'Abdelkrim Ould Adda, de la plate-forme du «contrat national» élaborée à Rome, sous l'égide de la communauté monastique de Sant'Egidio avec des partis comme le FLN, le PT, le FFS, Ennahda, le MDA, etc., il s'impose avec Kébir et D'hina comme un des dirigeants du FIS dissous à l'étranger. Les autorités algériennes lui tiennent grief d'avoir justifié l'attentat du boulevard Amirouche de 1995, qui a fait 42 morts et 120 blessés. Haddam, de son côté, dément avoir justifié le massacre des civils et exige de se référer à son communiqué, «que la presse, à l'époque, avait publié, tronqué et déformé».