La frontière, une obsession marocaine «Après plusieurs démarches, formelles et informelles, entreprises vainement, 10 jours durant, afin d'établir un contact avec les autorités algériennes, à un niveau ministériel», Rabat s'est tournée vers l'ambassadeur d'Algérie pour transmettre un nouveau message. «Il n'est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre», dit l'adage. Et le Royaume marocain semble avoir fait sien ce dicton. C'est ainsi que la réaction de Rabat à l'offre algérienne de relance de l'Union du Maghreb arabe, torpillée par le roi Hassan II en son temps, comporte un relent de dépit et d'entêtement pathétique. Non seulement, dit le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita, il n'est pas question d'évoquer l'UMA pour l'instant, mais l'Algérie doit répondre par oui ou par non à l'appel du roi Mohammed VI et à sa proposition d' «un mécanisme de dialogue direct et franc». Pour Rabat, en toile de fond, figure évidemment la question lancinante de la réouverture de la frontière que le Maroc avait brutalement fermée, à l'époque, non sans avoir, au passage, brutalisé et exproprié des milliers de ressortissants algériens. Mais qu'est-ce qui nourrit une telle insistance, enrobée de provocation? Le rendez-vous de Genève, début décembre, pour un tête-à-tête avec le Front Polisario, sous l'égide de l'ONU et le refus catégorique du Conseil de sécurité de l'ONU de porter le mandat de la Minurso à un an plutôt que six mois, comme le réclamait, avec beaucoup d'insistance, la France en tant qu'alliée du Maroc, ont été autant de coups durs pour la diplomatie de Sa Majesté. Raison pour laquelle, dixit Nasser Bourita, «après plusieurs démarches, formelles et informelles, entreprises vainement, 10 jours durant, afin d'établir un contact avec les autorités algériennes, à un niveau ministériel», Rabat s'est tournée vers l'ambassadeur d'Algérie pour transmettre un nouveau message, dont l'essentiel aura consisté à dire l'impatience marocaine et son souhait de «connaître la réaction officielle des autorités algériennes à l'initiative d'établissement d'un mécanisme politique de dialogue et de concertation avec l'Algérie». Pour le MAE marocain, la proposition algérienne de convoquer au plus tôt une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères des cinq pays de l'Union du Maghreb arabe (UMA), afin de relancer l'organisation régionale, n'a rien à voir avec l'offre de Mohammed VI d'entamer un dialogue bilatéral, fondé sur une mise à plat de tous les sujets pendants entre les deux pays. Curieuse approche que celle du Royaume marocain qui feint de croire que la priorité est à un tête-à-tête avec l'Algérie qui méconnaîtrait le piège tendu à quelques jours seulement du rendez-vous crucial de Genève. Tout en prétendant qu'il n'a aucune «objection de principe quant à la tenue d'une réunion du Conseil des ministres des AE de l'UMA», Nasser Bourita s'offre une pirouette pour donner à croire que l'UMA n'est pas une organisation créée dans le but de cimenter les relations entre les pays de la région maghrébine, d'approfondir les liens traditionnels entre les peuples frères et de renforcer leur développement commun et leur capacité à transcender tous les différends de nature à affecter leur élan. Comme il tente aussi de faire abstraction du fait que la proposition algérienne a suscité un réel engouement international, saluée par l'Union européenne, l'Union africaine ainsi que par la France elle-même! Il est tout de même étrange qu'après plusieurs décennies d'attentisme, de circonvolutions et de manoeuvres dilatoires, le Maroc soit enclin aujourd'hui à proposer un «mécanisme de dialogue» dont il espère qu'il lui permettrait d'échapper, une fois de plus, à ses obligations vis-à-vis de la légalité internationale. Nombre de fois, la réponse de l'Algérie a été aussi bien claire qu'immuable, dans sa forme et dans son fond. Il y a la question fondamentale d'un processus de décolonisation à respecter, comme l'exige au demeurant la Charte de l'ONU et celle de l'Union africaine, et il y a la question pendante d'une Union du Maghreb arabe qui a été sacrifiée sur l'autel des intérêts sordides d'un régime mû par une volonté de puissance stérile. Et ce sont deux questions, certes séparées, mais qui conditionnent toute approche sincère et volontariste du dossier bilatéral algéro-marocain, même si celui-ci pèse lourd en termes de contentieux!