A l'approche de la date prévue par les Nations-Unies pour l'ouverture de négociations entre le Front Polisario et le Maroc, ce dernier entreprend une nouvelle manœuvre pour intensifier la pression sur Alger qu'il veut amener à négocier en lieu et place des Sahraouis. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le 6 décembre prochain, une délégation représentant les plus hautes autorités de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) et des représentants du Maroc doivent se retrouver dans la capitale helvétique pour entamer des pourparlers devant permettre de débloquer le plan de règlement du dossier du Sahara Occidental. La décision a été arrêtée par le Conseil de sécurité de l'ONU sur la base du rapport fourni par le représentant spécial de l'institution onusienne chargé de cette affaire. L'Algérie mais aussi la Mauritanie ont été invitées à prendre part à cette rencontre. Comme Nouakchott, Alger a répondu favorablement à cette invitation que Rabat veut, cependant, transformer en pourparlers bilatéraux avec les représentants algériens. Un fait que les autorités du pays ont rejeté catégoriquement à deux reprises différentes, indiquant que les discussions ne pouvaient se dérouler avec un pays observateur et se substituer ainsi à la partie concernée (les Sahraouis). Après une intense offensive diplomatique visant à incriminer l'Algérie et la présenter comme principal élément de blocage, Mohammed VI a changé carrément de stratégie invitant cette fois le voisin à la mise en place d'un «mécanisme» visant à aplanir les différends entre les deux pays. Une offre empoisonnée, en fait, car s'inscrivant en droite ligne dans la perspective de l'échéance de Genève à laquelle le roi tente d'échapper. «L'initiative» a fait grand bruit. Elle a été saluée par le Qatar, allié naturel du Maroc, la Ligue arabe solidement tenue en main par l'Arabie Saoudite, le ministre français des Affaires étrangères et de l'Europe dont le pays est connu pour soutenir les thèses du royaume, mais aussi les Nations-Unies, et les Pays-Bas qui se disent inquiets pour la stabilité de la région. Pendant plusieurs jours, Alger s'est gardée de répondre de manière officielle mais elle a laissé filtrer des informations à travers lesquelles elle rejetait «l'offre» en la présentant comme un piège évident. Jeudi, le ministère algérien des Affaires étrangères a, cependant, réagi en appelant à son tour à une réunion de l'Union maghrébine arabe (UMA). Le texte indiquait également qu'il était inutile d'aller vers la création d'une autre structure du moment qu'un cadre de concertation existait déjà. L'appel de l'Algérie a été, à son tour, salué y compris par l'Union européenne. La Ligue arabe a réagi également en précisant avoir reçu une demande algérienne et tunisienne pour la tenue d'une réunion de l'UMA. Le fait semble avoir fortement déplu à Rabat qui décide alors d'intensifier la pression. Ce lundi, le MAE marocain décide donc de convoquer l'ambassadeur d'Algérie à Rabat pour transmettre un message aux autorités algériennes. Le fait est considéré comme étant le premier, et sans doute le seul contact officiel qu'ont eu les deux Etats sur le sujet. Un communiqué du MAE marocain le confirme déjà : «Cette rencontre, fait-il savoir, intervient après plusieurs démarches, formelles et informelles, entreprises vainement, dix jours durant, afin d'établir un contact avec les autorités algériennes à un niveau ministériel.» Tel que présenté, le texte confirme également toutes les informations non vérifiées ayant circulé ces derniers temps et faisant état d'un véritable forcing marocain en direction des institutions algériennes mais aussi de la classe politique. Une fin de non-recevoir a été toutefois signifiée par cette dernière après les appels lancés par le Parti pour la justice et la démocratie (PJD) marocain. La convocation de l'ambassadeur d'Algérie à Rabat demeurait, de ce fait, la seule voie possible d'évoquer officiellement une question qui ne semble pas intéresser Alger. Le communiqué marocain précise, d'ailleurs, que cette entrevue a permis de «réitérer le souhait du Maroc de connaître la réaction officielle des autorités algériennes au mécanisme politique de dialogue et de concertation avec l'Algérie». Il évoque, ensuite, la réaction de la Ligue arabe et émet des doutes quant aux résultats d'une réunion des ministres intermaghrébins (UMA) si cette dernière n'est pas précédée de contacts bilatéraux. La demande algérienne est, ensuite, rejetée et présentée comme étant sans rapport avec la proposition de Mohammed VI qui insiste encore pour une réponse officielle. Le dernier tournant avant le 6 décembre est entamé. La pression s'accentue. De loin, Alger évite de s'impliquer dans la guerre diplomatique que Rabat a déclenchée. A. C.