S'abonner à un cybercafé, manier un ordinateur muni d'une webcam et d'un logiciel de dialogue et voilà le travail. Vous pouvez dès lors saluer la future mariée ! Yakhoo !!! «Internet m'sauvé la vie!». De plus en plus nombreux sont, en effet, ces jeunes hommes et quelquefois des femmes, pour qui la grande toile est devenue le moyen idoine pour prétendre contacter un mariage au-delà de la Méditerranée ou, pour certains, ailleurs de l'Atlantique. C'est là, reconnaissent quelques propriétaires des cybercafés que nous avons interrogés, un phénomène qui capte de plus en plus l'intérêt de jeunes - des centaines voire des milliers de jeunes selon eux - dont le seul souci est de se «tailler» de ce bled quitte à épouser la plus laide des Tziganes. Pour peu seulement que celle-ci sert à légaliser leur situation administrative. C'est ainsi donc que les tchatcheurs - les hommes surtout - se lancent dans l'aventure. D'autant plus que cette opération de séduction, si lancinante qu'elle soit, n'est pas très coûteuse. Quoi de plus? S'abonner à un cybercafé, se mettre face à un ordinateur muni d'une caméra (Webcam) et d'un logiciel de dialogue (Yahoo ou MSN Messenger de préférence), quelques semaines ou mois de patience et voilà le travail ! La chasse peut dès lors commencer et vous pouvez alors saluer la future mariée ! Les sites de dialogue foisonnent. Dans toutes les langues de la planète même le tamazight (langue berbère) que les pouvoirs publics algériens refusent pourtant d'officialiser, est utilisée. Aucun souci de communication ne se pose plus. De l'autre coté de la mer, les tchatcheuses scrutent les bonnes occasions. Qu'il s'appelle Mohamed, Ali ou Omar, peut importe. L'essentiel il plaît et si tel est le cas pourquoi lui refuser une pareille demande en... mariage. Alger-Montréal via le virtuel Bien que les futures épouses appartiennent à une culture différente, à une religion différente et vivant, la plupart dans des pays radicalement différents de l'Algérie, nos jeunes, eux, s'en soucient comme d'une guigne. Et dans cette poétique entreprise ils font montre d'un pragmatisme patent. Si le Québec continue à pomper, sans limite aucune, l'élite algérienne, chez nous en revanche, c'est la chasse aux «nanas», qui est déclarée à la province canadienne. «Evidemment, tous les jeunes rêvent du Canada mais que faut-il faire que de courtiser leurs femmes?» explique Salim Kebbil gérant d'un cybercafé à Rouiba (24 km à l'est d'Alger) en reconnaissant l'efficacité du procédé. «En nouant des liens intimes avec les femmes de ce pays, quelques jeunes de la localité ont pu émigrer au Canada» ajoute-t-il. Les tchatcheurs de la nuit Ils vivent la nuit et dorment le jour. Chaque soir, Ils se calfeutrent dans un cybercafé où ils passent le plus clair de leur temps. Souvent jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Ils parlent très peu mais s'expriment beaucoup. Tout ce qu'il ont à dire, ils le font avec leurs doigts sur le clavier de l'ordinateur. Ce sont les tchatcheurs de la nuit que vous trouvez presque dans chaque espace Internet. Ce sont, témoignent quelques gérants de cybercafés que nous avons à ce titre interrogés, des gens assez particuliers. Ils sont là, tous les soirs, toute l'année, à dialoguer sur la grande toile virtuelle à la recherche, une grande partie d'entre eux, de la «chaussure» qui sied à leur pied. Vous les rencontrez sur une flopée de sites de dialogue: Caramail, MSN, Yahoo, Mirc, amour.net... usant à la fois de plusieurs pseudonymes. Ils ratissent large, avec dans la tête l'idée qu'un jour, tous ces efforts nuptiaux donneront leurs fruits. Autrement dit, connaître une étrangère pour se tirer le plus tôt de ce pays. C'est le cas notamment des «dialogueurs» liés à des contacts au Canada. Car en raison du décalage horaire des six heures entre les deux pays, ils sont obligés de veiller toute la nuit. D'autres, sont carrément des noctambules. Quoique moins passionnés de tchatche, tous les soirs, ils prennent d'assaut les cybercafés pour «tuer » le temps. Les lieux de loisirs en Algérie font, depuis des lustres, défaut, ces derniers ne voient rien de mieux que d'aller passer quelques heures dans ce monde virtuel dans lequel au moins, ils échapperont, quelque part, à leur dur quotidien.