Entre l'architecture et l'urbanisme qui sont loin du futurisme Le projet de la nouvelle ville de Sidi Abdellah avait suscité l'espoir de nombreux citoyens tant le projet fut bien vendu. Un projet s'étalant sur plus de 7 000 hectares dont plus de la moitié devait être constituée d'espaces verts. Nous avons décidé de rendre visite à ce projet pharaonique pour faire l'état des lieux et voir où en est le chantier. D'Alger, on y vient en empruntant la rocade sud en direction de l'ouest, pour ensuite quitter cette dernière au niveau de Zéralda pour s'enfoncer vers le sud. La route qui y mène est relativement étroite, mais le chemin est bien indiqué. Après quelques minutes, on remarque la route neuve, pas même terminée, mais plutôt confuse. On ne sait pas trop par où passer. Surtout qu'on voit au loin une immense arche qui annonce la nouvelle ville. Un projet séduisant sur papier Sidi Abdellah devait être la ville du futur. Une ville intégrée, verte, et tout ce qu'il y a de plus moderne. La vie devait y être particulièrement agréable, et elle devait servir de modèle pour les autres futures villes algériennes. Conçue autour de cinq pôles, à savoir un pôle résidentiel, un pôle pharmaceutique et biotechnologique, un pôle de santé, un pôle universitaire et un pôle des technologies de l'information et de la communication. Chacun de ces pôles a été conçu de sorte à créer une dynamique favorable au développement économique en rapprochant la recherche, la production, le lieu de vie et la formation. Le pôle universitaire aura une capacité de 20.000 places pédagogiques en plus des laboratoires de recherche et des hébergements des étudiants. C'est dire l'ampleur et l'ambition du projet, qui n'a pas mis de côté l'aspect loisirs. Un cross, un centre équestre, une réserve de chasse, un parc urbain... on s'imagine difficilement vivre dans un tel environnement, même dans nos rêves les plus fous, tant le projet a l'air de relever de l'utopie. Mais trop beau pour être vrai La réalité est loin d'être aussi reluisante. De prime abord, l'espoir est maintenu. Les routes de la nouvelle ville sont larges et bordées d'arbres fraîchement plantés. Mais ces derniers semblent avoir du mal à prendre. Les engins de chantier sont encore sur place et certaines fondations n'ont même pas encore été creusées. En arrivant à la partie «finie», le visiteur a tout au plus l'impression de pénétrer dans un quartier HLM neuf, une nouvelle cité dortoir. Les barres d'immeubles se succèdent. Le quartier semble pourtant déserté. Très peu de commerces sont ouverts, même si certains ont déjà des enseignes installées. La majorité des locaux semble destinée à devenir des fast-foods. L'oeil est attiré cependant par une agence postale, une agence d'Algérie télécom et une supérette. Les trottoirs sont immenses et on se demande pourquoi. On a vite fait de s'ennuyer, pour éventuellement s'installer à une table du café du coin, loin des rêves de hub économique et technologique. Pour un projet qui devait être livré début 2019, il y a encore du pain sur la planche. Le projet de nouvelle ville de Sidi Abdellah a été initié en 1997 par la wilaya d'Alger. Il a changé plusieurs fois de tutelle, passant de la wilaya au ministère de l'Environnement, pour passer ensuite au ministère de l'Habitat. Le décret exécutif portant sur la création de la ville a paru au Journal officiel en septembre 2004. 14 ans après, la ville n'a toujours pas été livrée. Plusieurs chiffres ont été avancés, allant de 45.000 à 80.000 logements, pour un total de 200.000 habitants. Tebboune affirmait en juillet 2017 qu'elle le serait au plus tard au début de l'année 2019 et qu'elle serait un modèle urbanistique. Une des affirmations ne se réalisera pas, et il est à espérer que la seconde non plus. Au même moment, le ministre de l'Enseignement supérieur promettait que deux facultés y seraient prêtes pour cette année au pôle universitaire; toujours rien. Un éternel chantier L'ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, affirmait encore que les activités commerciales devaient être réparties selon le mode de vie du citoyen. Peu de commerces sont ouverts, et les rares qui le sont, sont des fast-foods et des épiceries. À croire que la vie du citoyen consiste à se nourrir et dormir. Entre l'architecture et l'urbanisme qui sont loin du futurisme, la verdure et les arbres qui peinent à prendre, les différents pôles qui tardent à être mis en place... faut-il perdre espoir? Certainement pas. Il faut attendre les jours meilleurs, même si le projet tarde à enfin voir le jour. La donne finira bien par changer et ce jour-là, l'Algérie aura gagné beaucoup d'expérience tant elle aura appris de ses erreurs.