En fait, cette annonce de l'idée sans le concept fait partie d'une nouvelle pratique de gouvernance dans notre pays. On aurait tort de ne retenir que l'aspect salarial dans la grande mutation annoncée de l'une des plus importantes institutions de l'Etat qu'est la direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn). Certes l'amélioration de la condition sociale de nos policiers est déterminante dans l'efficacité attendue de leur mission de «maintien de l'ordre» dans la cité mais elle est loin d'être la seule. On annonçant la préparation d'un nouveau statut pour la Sûreté nationale et en précisant «qu'elle ne fera plus partie de la Fonction publique», M.Ali Tounsi, directeur général de cette institution, en dit trop et pas assez à la fois. En fait, cette annonce de l'idée sans le concept fait partie d'une nouvelle pratique de gouvernance dans notre pays. Il est incontestable que le président de la République a de grandes ambitions pour mener le pays dans la voie du développement. Pour ce faire, le tour de force est dans le «changement des mentalités». Le tout dans un délai le plus court possible. Une action et un programme qui se situent entre «révolution» et «réforme». La méthode adoptée consiste par commencer à «mettre l'idée dans la rue». Des débats s ‘ensuivent inévitablement. Les échos en retour permettent de jauger la faisabilité du projet et la différenciation des aspects «acceptables» de ceux qui ne le sont pas, ou moins. C'est ainsi qu'il en a été pour la Charte pour la réconciliation nationale. Plus d'une année de «maturation» avant que le concept ne soit exprimé et soumis à référendum. Et ce n'est pas fini, car un autre temps est nécessaire pour l'élaboration finale des textes d'application qui n'ont pas encore vu le jour. La même démarche est aujourd'hui suivie pour la réforme de la police nationale. Le monde bouge. L'Algérie aussi. Tout va très vite. Pour les pays émergents comme le nôtre, le défi est encore plus grand que pour les pays développés. Il s'agit de mettre les bouchées doubles. Il nous faut intégrer une nouvelle synergie mondiale en «enjambant» un retard, voire une régression qui date de plusieurs décennies. En matière de sécurité les nouveaux défis sont là. Terrorisme, corruption, cybercriminalité... Le tout dans un mouvement transfrontière inconnu jusque-là. Les services de sécurité du monde entier remettent en cause leurs organisations, leurs formations, leurs moyens pour les mettre en adéquation avec les nouvelles missions. L'Algérie ne veut pas être en reste. «Sortir» la police de la fonction publique c'est «siffler» la fin de la routine, du carriérisme, de l'avancement automatique et des tares de la bureaucratie. C'est instaurer «l'obligation de résultats» qui draine la compétence, la motivation et la remise en cause perpétuelle. C'est aussi, pourquoi pas, lever cette «sécurité de l'emploi» incarnée par la Fonction publique qui est mortelle pour l'effort et la performance. De là à évoquer la «contractualisation»...Une chose est sûre cependant, la police peut «sortir de la fonction publique», elle ne sortira jamais de la tutelle de l'Etat. Et c'est dans «la réforme des structures de l'Etat» inscrite dans le programme présidentiel depuis le premier mandat qu'il faut placer l'annonce faite par M.Tounsi. Une annonce qui sera suivie des textes d'application sous peu, selon certaines sources autorisées. Le temps presse en effet. De nouvelles formes de violence apparaissent en milieu urbain. Ici, c'est la «mal-vie» qui s'offre à l'exploitation. Là-bas c'est la discrimination. Ailleurs, il n'est pas impossible que ce sera des différences linguistiques. De nouvelles formes de violence qui s'ajoutent à la menace terroriste pèsent sur toute la planète. C'est là un nouvel exercice de la fonction auquel la police nationale est appelée à se préparer. Avec de nouveaux moyens bien sûrs et parmi lesquels l'amélioration des conditions sociales des agents. Quoi qu'il en soit, le principe même d'une loi est de n'avoir jamais d'effet rétroactif. Elle ne peut s'appliquer qu'aux nouvelles recrues. A moins d'un mécanisme propre à recueillir l'expression des voeux individuels. Il n'en reste pas moins que le débat ne fait que commencer . Il s'annonce, malgré tout, déjà très animé.