Il a reconnu que le gouvernement n'est pas en possession de bilan précis concernant la gestion des dépenses publiques. 2631 milliards de DA de dépenses budgétaires pour l'année 2006, 500 milliards pour les transferts sociaux, 55 milliards de dollars pour le programme complémentaire de soutien à la croissance économique. Plus de 1500 milliards de dinarsdans le Fonds de régulation des recettes, 19 milliards de dollars de dette extérieure remboursés dans un temps record. L'Algérie n'a jamais été aussi riche que ces deux dernières années. La question n'est pas de savoir d'où vient cette fortune mais bien comment elle est dépensée. La présentation de la loi de finances pour 2006 à l'Assemblée populaire nationale a remis sur le tapis la problématique de la gestion des finances publiques. Qui gère quoi en Algérie? C'est à juste titre que le député et secrétaire national chargé de l'organique M.Lakhdar Benkhelaf s'est adressé au ministre des Finances M.Mourad Medelci, lors des débats sur le projet de loi de finances. «Cette embellie financière fait peur», pour reprendre les propos de ce dernier. Et pour cause, «il n'existe aucun instrument fiable en Algérie à même de contrôler la gestion du budget de l'Etat.» El Islah exige la révision de l'article 84-17 qui régit la gestion de ces dépenses. La promesse faite par M.Benachenhou, devant les députés l'année dernière, est restée un voeu pieux. Medelci a présenté lundi la loi de finances, sans pour autant revenir sur ce qui a été réalisé, ou plutôt, sur ce qui a été dépensé, en détail et par secteur, durant l'exercice 2005. Des données qui devaient être annexées, en vertu des dispositifs réglementaires, au document principal portant projet de loi de finances. Interrogé en marge de la séance plénière, le ministre des Finances aura cette réponse: «Notre système budgétaire ne nous permet pas d'avoir des chiffres et des statistiques réelles sur les dépenses publiques». «C'est pour cette raison, ajoute-t-il, que nous avons entamé depuis quelques années le processus de réformes dans le secteur qui sera amorcé à partir de 2007 et achevé d'une manière globale vers la fin de l'année 2009.» Par modernisation du système budgétaire, il faut retenir, toujours selon notre interlocuteur, «les réformes financières, la modernisation des outils de statistique, des banques de données». Bref, toute une panoplie de mesures qui peinent à voir le jour. Medelci à travers ces déclarations, reconnaît en des termes à peine voilés qu'il n'est pas en possession de bilan précis sur la gestion des dépenses publiques. Le député d'El Islah parle plutôt de «fuite en avant» et laisse entendre que ce blocage est voulu en haut lieu. «La Cour des comptes, qui est la première institution de contrôle des dépenses publiques, est complètement marginalisée pour ne pas dire effacée de la scène par décision politique. Cela renseigne parfaitement sur les intentions du pouvoir.» Quel rôle pour les députés? Benkhelaf rappelle que les élus du peuple ont un pouvoir de contrôle à travers l'institution d'une commission d'enquête, mais encore faut-il que cette dernière soit neutre. «Il faut savoir que la composante humaine des commissions obéit à la force de présence de chaque parti politique à l'APN, ce qui fait de nous, c'est-à-dire de l'opposition, une minorité». M.Takjout du Parti des travailleurs (PT), abonde dans le même sens, en accusant les partis de l'alliance de faire front contre tout contrôle des dépenses. «Nous soulevons ce problème très sérieux, chaque année en vain», précise-t-il. Pour notre interlocuteur, le ministre sortant, M.Benachenhou, a compris la leçon en affirmant qu'il «faut être très prudent en termes de dépenses, tout simplement parce que nos institutions sont incapables de gérer cette embellie financière». Le problème se pose avec acuité en ce qui concerne les dépenses locales. «On octroie des enveloppes faramineuses à des walis qui ne maîtrisent même pas les données économiques dans leurs régions.» M.Fekaïr, député FLN, s'interroge quant à lui sur le sort des 7 milliards de dollars débloqués en termes d'enveloppes au plan de soutien à la relance économique. «Pour le moment aucun bilan n'a été fait par le gouvernement, excepté les quelques chiffres globaux intégrés dans le bilan du gouvernement.» Mais justement a-t-on les moyens de contrôler la véracité de ces statistiques? «La réponse est négative». «Tous les mécanismes existants ne nous permettent pas de surveiller les dépenses publiques», reconnaît ce dernier. La présentation de la loi de finances est un moyen de contrôle préalable offert aux députés, «mais ce qui est aberrant, chose que le gouvernement n'est pas en mesure d'ignorer, précise-t-il, c'est que les députés ignorent tout». «Comment voulez-vous que je remette en cause un bilan alors que je n'ai pas les données réelles qui me permettent de m'opposer à la version officielle?» C'est pour cette raison que les «députés finissent par adopter chaque année une loi sans grande conviction avec néanmoins quelques retouches». Cette absence de contrôle fait craindre le pire. Pour Fekaïr, il n'y a aucune institution apte à gérer cet argent. «L'Etat se dirige vers la politique des fonds, ce qui est très risqué pour l'économie nationale.» Le scandale financier de la BNA en est «la preuve tangible». Ce dernier défend la position de consacrer les recettes du fonds de régulation, exclusivement au remboursement de la dette. «Si cet argent sort de la caisse, ça sera la grande dilapidation !» Au MSP, par contre, on fait la distinction entre la bonne volonté politique du président et celle des «institutions chargées d'exécuter les projets». Dane estime que les députés ont le devoir de contrôle, et ils l'appliquent dans beaucoup de cas, «mais notre démarche reste sans suite à cause du blocage exercé au niveau du pouvoir politique».