L'attentat qui a coûté la vie à 57 personnes met le royaume hachémite sur la défensive mais constitue surtout un revers pour la politique américaine au Moyen-Orient. A son tour, la Jordanie est frappée de plein fouet par une triple attaque terroriste contre trois des plus huppés palaces de la capitale jordanienne Amman. Ces attentats qui ont fait 57 morts et une centaine de blessés, selon un dernier bilan officiel jordanien, ont été revendiqués jeudi par la branche irakienne d'Al Qaîda, dirigée par l'extrémiste jordanien Abou Moussab Al Zarkaoui qui s'attaque pour la première fois à son pays d'origine. Dans un communiqué publié jeudi sur Internet, la ‘'branche'' irakienne d'Al Qaîda revendique les attentats en affirmant que les trois hôtels d'Amman - frappés mercredi soir par un triple attentat - étaient devenus le point de départ de «la guerre contre l'islam», justifiant ainsi, selon le communiqué, les attaques qui les ont visés. Le communiqué, mis en ligne au nom de l'organisation d'Al-Qaîda en Mésopotamie, indique: «A la suite de l'attaque bénie des héros de l'Oumma contre des foyers du mal à Amman, nous nous sommes engagés à clarifier quelques-unes des raisons qui (nous ont conduits) à viser ces foyers». Le communiqué, dont l'authenticité n'a pu être établie, écrit que les hôtels attaqués étaient devenus «le point de départ de la guerre contre l'islam et du soutien à la présence des Croisés en Irak, dans la péninsule arabique et en Palestine». Encore sous le choc, les Jordaniens essayaient hier de comprendre ce qui s'est passé. Réagissant à ce sanglant attentat, le roi de Jordanie, Abdallah II a, dans une déclaration télévisée, affirmé que «la Jordanie n'a pas peur et n'accepte pas le chantage, et ces actes (terroristes) ne pourront pas nous faire changer de position ou de conviction dans notre lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes». Abdallah II a également exprimé sa confiance dans les ser-vices de sécurité jordaniens et leur «capacités à protéger la sécurité et la stabilité (du) pays», indiquant par ailleurs: «Si les terroristes ont réussi à réaliser une opération ici ou là, nous avons par contre fait avorter dans le passé, grâce à Dieu, un nombre de tentatives et de plans de terroristes, contre notre pays». Le roi de Jordanie a demandé d'autre part à «chaque Jordanien et Jordanienne d'agir en soldats (...) responsables de la sécurité de leur pays». L'enquête sur ces attentats qui se poursuivait hier a établi que certains restes de corps retrouvés sur les lieux appartenaient à trois kamikazes, mais ces corps étaient tellement déchiquetés qu'il a été impossible d'en déterminer l'identité et/ou la nationalité, selon une déclaration du Premier ministre jordanien Marwan Moasher. «Nous savons que les restes des corps appartiennent aux trois kamikazes mais nous ne savons pas qui ils sont ni quelle est leur nationalité», a indiqué M.Moasher. Selon la télévision jordanienne, l'identification des corps est difficile car «seule la tête du kamikaze qui s'est fait exploser dans la soirée de mariage à l'hôtel Radisson a été récupérée intacte et séparée de son corps déchiqueté». Les attentats terroristes survenus en Jordanie interviennent au moment où les Etats-Unis rencontrent les pires difficultés à maîtriser la situation en Irak faisant dire à Ivan Eland, expert à l'Independent Institute à Washington, que ces attaques montrent que l'argument de Bush «Nous les combattons en Irak pour ne pas avoir à les affronter ailleurs, est douteux». «En fait, indique-t-il, le conflit en Irak génère davantage de haine chez les islamistes et fournit un entraînement et une expérience du combat pour des gens qui attaquent maintenant la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Jordanie, etc.». Ressassant un discours rebattu, la Maison-Blanche, a encore garanti que le gouvernement américain ‘'gagnerait'' «Ils (les terroristes) seront vaincus», a encore affirmé jeudi le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan, réagissant au meurtrier attentat terroriste en Jordanie. Prenant à contre-pied les affirmations de la Maison-Blanche l'analyste américain John Pike, expert à Global Security.org, a estimé que les attentats d'Amman montrent au contraire que «le problème est que ces attentats ne sont pas difficiles à réaliser. Tout endroit qui a besoin d'être ouvert au public pour pouvoir fonctionner et dans lequel des gens se réunissent est une cible. C'est difficile à arrêter», indique-t-il. De fait, l'invasion de l'Irak par l'armée américaine en mars 2003 a ouvert au Moyen-Orient les vannes à une contestation à grande échelle de plus en plus violente avec l'émergence d'un terrorisme ‘'local'' spécifique, directement lié aux événement en Irak, comme le montrent les attentats cycliques qui ont endeuillé l'Arabie Saoudite et le Liban, notamment, ces deux dernières années.