Tout en relevant la surpopulation des prisons, l'invité de la Radio affirme que le nombre des détentions préventives a atteint les 57.000. Constat amer. Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Cnppdh) n'a pas été tendre avec la justice: «L'image de la justice algérienne est ternie par l'abus constaté dans les recours à la détention préventive», a déclaré Farouk Ksentini. S'exprimant hier sur les ondes de la Chaîne III, l'avocat a estimé qu'on a trop exagéré dans le recours à la détention préventive. Preuve en est, argumente-t-il, même le chef de l'Etat a relevé cette anomalie. Certes, la loi algérienne n'interdit pas le recours à la détention provisoire mais elle limite strictement son application. Malheureusement, en dépit des textes de loi et des déclarations du chef de l'Etat, déplore M.Ksentini, la détention préventive continue d'être la solution la plus répandue dans le système judiciaire. Les nouveaux magistrats optent beaucoup plus pour la détention préventive. Or, la détention provisoire (ou préventive) se définit comme une mesure de détention, généralement exceptionnelle, visant à emprisonner, jusqu'à la fin du procès, un accusé. Ce qui n'est pas le cas en Algérie. Le nombre des personnes qui sont en détention préventive s'élève à 57.000, selon M.Ksentini. Ce chiffre est effarant, voire exorbitant. Pourquoi? N'existe-t-il pas d'autres mesures ou mécanismes? Maître Ksentini reconnaît que la loi offre plusieurs possibilités, entre autres la liberté provisoire, le contrôle judiciaire. L'invité de la Radio privilégie le recours à la liberté provisoire. Il regrette le fait que les juges d'instruction recourent souvent à l'application de cette mesure sans pour autant prendre en considération l'aspect humain. «Il faut que les juges d'instruction apprennent à réfléchir d'une autre manière pour éviter de causer des difficultés», a-t-il insisté. Non seulement elle aggrave la situation au niveau des établissements pénitentiaires, elle pose beaucoup de préjudices aux familles. M.Ksentini est allé loin dans ses propos en affirmant: «Il y a beaucoup de personnes qui sont en détention préventive alors que leur cas ne nécessite pas justement une incarcération.» Pourtant, la surcharge des établissements pénitentiaires qui sont au nombre de 127 n'est un secret pour personne. Le nombre des incarcérations augmente chaque année. Le pire est de constater que le délai de détention préventive, fixé à 44 mois, n'est pas respecté. La lenteur dans le traitement des procès mène toujours à la prolongation du délai. Ce qui explique pourquoi Maître Ksentini tire la sonnette d'alarme à propos de la détention préventive. Ce dernier n'était pas le seul à avoir soulevé cette problématique. Des avocats et des défenseurs des droits de l'homme lui ont emboîté le pas pour dénoncer l'usage abusif de la détention préventive. Le département de Bélaïz avait même instruit les magistrats d'éviter au maximum le recours au mandat de dépôt, en vain. Il y a un an, la détention provisoire représentait 12% du total des détenus. Ce taux serait certainement revu à la hausse avec la recrudescence de la petite et grande criminalité. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la déclaration de Maître Ksentini intervient 24 heures après la visite qu'a effectuée la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice en Algérie. La secrétaire d'Etat s'est entretenue avec le président de la République sur les conditions d'incarcération des détenus en Algérie. L'émissaire de la Maison-Blanche voulait s'assurer apparemment de l'état des lieux avant le transfert des détenus algériens incarcérés dans la prison de Guantanamo.