L'annonce mercredi de la création par les «gilets jaunes» Ingrid Levavasseur et Hayk Shahinyan d'une liste «Rassemblement d'initiative citoyenne» aux européennes de mai, a semé la division. Les «gilets jaunes», divisés sur l'opportunité de présenter une liste aux européennes, abordent leur acte 11 avec une ténacité affichée face à un exécutif qui regagne en popularité, dix jours après l'ouverture du grand débat national censé résoudre cette crise sociale inédite. Rester visibles et audibles dans la rue, c'est le défi des «gilets jaunes», alors que le gouvernement tente depuis dix jours de canaliser les colères dans les réunions de débat-citoyen, dont plus de 1.500 étaient référencées vendredi sur le site granddebat.fr. Alors que plusieurs récents sondages créditent Emmanuel Macron d'une hausse de popularité, les rangs des «gilets jaunes» étaient gagnés par de nouvelles querelles internes, après la rupture entre leurs deux leaders historiques, Eric Drouet et Priscillia Ludosky. Ainsi, l'annonce mercredi de la création par les «gilets jaunes» Ingrid Levavasseur et Hayk Shahinyan d'une liste «Rassemblement d'initiative citoyenne» aux européennes de mai, a semé la division. «Le but c'est pas d'aller à Bruxelles pour aller à Bruxelles, le but c'est d'intégrer la politique en règle générale (...) d'intégrer le système en commençant par les premières élections», a justifié vendredi Mme Lavavasseur. «Si le mouvement des gilets jaunes'' remet en question le système, notamment celui mis en place par l'Europe, ce n'est pas pour en faire partie», souligne le «gilet jaune» lyonnais Yacine Boulaiki. Avec 84.000 manifestants recensés par les autorités lors des deux derniers samedis, la contestation a semblé trouver un second souffle après la trêve de Noël et du Nouvel an. Les dissensions auront-elles un effet démobilisateur dans les cortèges? Pour entretenir la flamme, cet acte 11 des «gilets jaunes» mise sur de nouvelles stratégies. A Paris, les manifestants se sont dispersés entre quatre défilés déclarés en préfecture, dont trois à Bastille, depuis les Champs-Elysées, la place de la Nation et l'Hôtel de ville d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Les «gilets jaunes» ont ensuite été appelés à participer de 17h00 à 22h00 à une «nuit jaune», elle aussi déclarée, sur la place de la République, là où s'étaient déroulés les rassemblements citoyens de Nuit debout en 2016. «Il faut garder les manifestations déclarées, pour les personnes fragiles qui ont besoin d'être en sécurité et avoir autre chose à côté», a expliqué Eric Drouet, qui a relayé cette idée. Plusieurs marches nocturnes, dont l'une s'est déroulée à Dunkerque (Nord) vendredi, étaient prévues en province, comme à Montpellier ou Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques). D'ambitieux projets de chaînes humaines ont également fleuri sur Facebook, dont plusieurs devaient rallier Versailles aujourd'hui, notamment depuis Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et Châteaulin (Finistère). Le collectif «La France en colère» de Priscillia Ludosky, lui, organisait également une «marche solidaire aux gilets jaunes des Territoires éloignés» samedi après-midi, entre le ministère des Outre-mer et le siège parisien de Facebook. Au lendemain de l'acte 11, les «foulards rouges» défilent aujourd'hui à Paris lors d'une «marche républicaine des libertés» pour faire entendre «la majorité silencieuse» et défendre «la démocratie et les institutions». A l'ultragauche, un appel a été lancé pour recréer un «black bloc» et un «cortège de tête», point de rendez-vous des militants anticapitalistes, antifascistes, autonomes et anarchistes lors des manifestations contre la Loi travail. A Bordeaux et Toulouse, places fortes de la mobilisation, les autorités redoutaient des débordements après les spectaculaires violences ces dernières semaines. Pour la première fois hier, les forces de l'ordre dotées du controversé lanceur de balles de défense (LBD), étaint équipées de caméras-piétons, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner promettant plus de «transparence» dans l'usage de cette arme non-létale accusée d'avoir éborgné de nombreux manifestants. Le tribunal administratif de Paris, saisi par la CGT et la Ligue des droits de l'homme (LDH), a invoqué vendredi cette expérimentation pour refuser de suspendre l'usage du LBD.