Jérome Rodrigues, figure des Gilets jaunes, blessé samedi par un projectile des forces de l'ordre Dix jours que des débats ont lieu, 1700 au total, à travers des dizaines de villes, avec une libération de la parole ordinaire dont le leitmotiv a trait au «pouvoir de vivre», à un sentiment d'abandon par «la France d'en haut» et à une situation insupportable d'injustices sociales et fiscales. Voilà plus de 10 jours que le grand débat national initié par le président français Emmanuel Macron pour «répondre» aux revendications des Gilets jaunes et apaiser ainsi leur colère contre sa politique sociale et fiscale dure et perdure sans que les signes d'une détente soient réellement perceptibles au sein de la société. Samedi dernier, lors de leur 11e round de protestations, les Gilets jaunes ont encore battu le pavé à raison de quelque 80.000 manifestants, si l'on en croit le ministère de l'Intérieur et, une fois de plus, une fois de trop peut-on même dire, des affrontements ont opposé les forces de l'ordre et les présumés» «casseurs» venus dénaturer une mobilisation, somme toute, pacifique. L'incident qui a failli coûter la vie à un des leaders du mouvement, atteint par les éclats d'une grenade de désencerclement selon la police et-ou un projectile de flashball selon les Gilets jaunes et son avocat, est de nature à attiser non seulement la colère mais aussi la méfiance des Gilets jaunes dont nombreux sont ceux qui pensent que rien de satisfaisant ne sortira du débat national, «piloté et instrumentalisé par le gouvernement Macron et son parti majoritaire à l'Assemblée. Pourtant, ce ne sont pas les preuves de bonne volonté qui ont manqué, plusieurs ministres et même le Premier ministre en personne, Edouard Philippe, ont suivi l'exemple donné par le chef de l'état qui n'a pas hésité à mouiller la chemise, brisant les codes et torpillant les records de prise de parole jusqu'à se faire taxer d'émule de Fidel Castro par l'extrême droite, qui confond à dessein. Rien n'y fait, l'enthousiasme des citoyens est tout ce qu'il y a de plus ténu et l'ambiance s'avère, au fil des semaines, passablement tendue. Les réunions dans les mairies, les entreprises et les locaux divers ont beau être pleins à craquer, les Gilets jaunes brandissent un argument de taille quand ils affirment que tout est méticuleusement trié sur le volet, piloté et tamisé à souhait, pour qu'au final, il y ait un texte parfaitement conforme aux exigences. Emmanuel Macron a déjà fait savoir, avec une belle constance, qu'il ne remettra jamais en question les décisions antérieures. Or, toute la problématique est à ce niveau et quand le Premier ministre s'en va à Sartrouville pour dire aux gens choisis pour un débat local qu'il est «réticent au RIC», c'est encore une manière de ressasser cette intransigeance typiquement macronienne que les Français, dans une large majorité, rejettent dans le fond et dans la forme, exigeant du chef de l'état qu'il soit «réellement à l'écoute de son peuple». Dix jours, donc, que ces débats ont lieu, 1700 au total pour le moment à travers des dizaines et des dizaines de villes, avec une libération de la parole ordinaire dont le leit motiv a trait, massivement, au «pouvoir de vivre décemment», à un sentiment d'abandon par «la France d'en haut» avec laquelle il n'existe plus aucune courroie de transmission et à une situation insupportable d'inégalités et d'injustices sociales et fiscales. Toutes choses que le mouvement des Gilets jaunes a rendu visible alors que pendant des années, elles prenaient des proportions alarmantes sans qu'elles ne soient ressenties par les institutions concernées. On se souvient que le rapport remis en été par Jean-Louis Borloo tirait la sonnette d'alarme sur l'état des banlieues et de la ruralité, entre autres, et que, sitôt entre les mains de Macron, le document s'est retrouvé...à la poubelle, au grand désarroi et au dépit non moins mortifère de ses auteurs! Six mois plus tard, la crise des Gilets jaunes a contraint le président Jupitérien à descendre de son Olympe, rengainer sa morgue et son langage particulièrement méprisant, disent-ils, mais de par sa dimension inédite, 40 ans après le soulèvement estudiantin de mai 1968, elle l'a, aussi et surtout, obligé de renvoyer, sine die, ses réformes à l'après scrutin des Européennes, voire à promettre de prendre en compte certaines exigences de la population dont l'exaspération est à l'antichambre du désespoir. En attendant la porte de sortie, chaque samedi exige le déploiement de quelque 80 000 gendarmes et policiers, plus ou moins épuisés et tentés d'en découdre à leur manière avec les manifestants mais ce jeu de la mort et du hasard est porteur d'un danger mortel pour le macronisme s'il n'y prend garde