Le 22e samedi de manifestations de "Gilets jaunes" a été marqué par un léger regain de mobilisation avant les annonces attendues ces prochains jours d'Emmanuel Macron, en réponse à ce mouvement aux revendications hétéroclites parti en novembre dernier d'une contestation des hausses de taxes sur le carburant. Le ministère de l'Intérieur a fait état de 31.000 manifestants dans toute la France, dont 5.000 à Paris, au lieu de 23.000 et 3.500 samedi dernier. Les débordements se sont cette fois concentrés à Toulouse (Haute-Garonne), dont les "Gilets jaunes" avaient fait leur principal point de ralliement en province et où la police a dénombré 5.000 à 6.000 manifestants. Des incidents ont opposé manifestants et forces de l'ordre dans la "Ville Rose" tout l'après-midi. Les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes et de désencerclement et utilisé un canon à eau pour contenir les manifestants. Ceux-ci ont notamment mis le feu à une baraque de chantier sur les allées Jean Jaurès, à des véhicules, des deux-roues et des poubelles, jeté des projectiles sur la police et dégradé du mobilier urbain et des vitrines. La préfecture a fait état en fin de journée de 14 blessés en urgence relative, dont un parmi les forces de l'ordre, et de 37 personnes interpellées pour dégradations, jets de projectiles, port d'arme ou visage dissimulé "sans motif légitime", ce qui est désormais passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende, selon la nouvelle loi "anti-casseurs". Ces derniers jours, des messages sur les réseaux sociaux et les murs de Toulouse appelaient à "reprendre" la place du Capitole, où se trouve la mairie et qui était interdite aux manifestants par le préfet. Ces messages appelaient également à "une journée noire et de mobilisation nationale pour lutter contre Macron et son monde" et montrer "que tout ne fait que commencer". L'une des figures du mouvement des "Gilets jaunes", Maxime Nicolle, présent à Toulouse, a dit avoir été blessé à la jambe par un éclat de grenade lacrymogène. "Nous restons parce que nous ne sommes pas entendus ni écoutés et cela continuera les samedis suivants", a-t-il dit à des journalistes.
En attendant Macron A Paris, le préfet de police avait de nouveau interdit tout rassemblement de personnes se réclamant des "Gilets jaunes" sur l'avenue des Champs-Elysées et dans un périmètre incluant la présidence de la République et l'Assemblée nationale. A 18h30, la préfecture annonçait 27 interpellations et 9.473 contrôles préventifs dans la capitale, où des heurts ont éclaté en fin d'après-midi entre manifestants et forces de l'ordre sur la Place de la République (11e arrondissement). A Marseille, environ 600 "Gilets jaunes" ont manifesté sans incident sur le Vieux Port mais une centaine de personnes se sont ensuite heurtées aux forces de l'ordre devant un centre commercial dans le quartier de la Joliette. A Bordeaux, où une partie du centre-ville était interdite aux manifestants, 1.500 à 2.000 personnes, selon les estimations de Reuters, ont manifesté dans le calme. Le chef de l'Etat doit tirer dans les prochains jours les conclusions du "grand débat national" lancé le 15 janvier pour répondre à ce mouvement aux revendications hétéroclites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, a promis mardi à l'Assemblée nationale des "décisions puissantes et concrètes", notamment en matière de fiscalité, mais le mystère demeure sur les pistes qui seront finalement retenues par l'exécutif. Sa marge de manœuvre budgétaire est cependant réduite, après l'annonce début décembre de mesures en faveur du pouvoir d'achat chiffrées à dix milliards d'euros, et le scepticisme, pour ne pas dire la défiance, règne dans les rangs des "Gilets jaunes", qui ont largement boudé le "grand débat national". "Ce grand débat n'est qu'une opération de communication qui a coûté très cher. Nous en sommes au même point qu'en novembre", a ainsi déclaré Maxime Nicolle à Toulouse. Pour le président Les Républicains du Sénat, Gérard Larcher, interrogé par Le Figaro, Emmanuel Macron, à l'orée de l'acte II de son quinquennat, "n'aura pas de seconde chance".
Le gouvernement contraint à un "changement radical" Le gouvernement français, face à la crise des "gilets jaunes", a exprimé lundi sa volonté d'annoncer des décisions fortes, soulignant la nécessité d'une "changement radical" en raison d'une "immense exaspération fiscale" des Français. Dans un discours prononcé lundi à Paris faisant un compte-rendu des remontées du "grand débat national", lancé le 15 janvier, le Premier ministre Edouard Philippe a affirmé que le besoin de changement chez les Français est "radical", soulignant qu'hésiter serait "une faute". "Nous sommes parvenus à une situation où hésiter serait pire qu'une erreur, ce serait une faute. Le besoin de changement est si radical que tout conservatisme, toute frilosité serait à mes yeux impardonnable", a-t-il dit devant plus de 500 personnes au Grand Palais, en attendant les premiers arbitrages du président Emmanuel Macron. Il a indiqué que la première exigence, qui ressort du "grand débat national" auquel plus de 1,5 million de personnes y ont participé directement et 10.000 réunions locales ont été organisées, a trait à "une immense exaspération fiscale" qui demande une "tolérance fiscale zéro" à laquelle le gouvernement doit "baisser plus vite les impôts". La crise des "gilets jaunes", rappelle-t-on, a pris naissance suite à l'augmentation des prix du carburant, une goutte qui a fait réagir les Français, en novembre dernier, contre le "ras-le-bol fiscal" et l'érosion de leur pouvoir d'achat. Au cours du "grand débat national", la baisse des impôts a fait l'objet d'un important "consensus" dans les questionnaires et dans les contributions libres (réunions d'initiative locale, cahiers de doléances et courriers). Les Français qui se sont exprimés ont également exigé une plus grande justice fiscale, appelant au rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF) et au renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Pour Edouard Philippe, le gouvernement ne pourra plus gouverner "comme avant", soulignant la nécessité "de construire les outils d'une démocratie plus délibérative". "Certains annonçaient la fin de la démocratie représentative et l'avènement de ce qui aurait pu être une forme de démocratie directe et médiatique permanente. ça n'est pas ce que les Français veulent, ils sont exigeants, ils veulent une démocratie plus représentative, plus transparente, plus efficace et une exemplarité encore renforcée", a-t-il expliqué. Les "gilets jaunes" revendiquent l'établissement dans la Constitution française le référendum d'initiative citoyenne (RIC), un modèle donnant au citoyen la possibilité d'élaborer une proposition de loi et de la soumettre aux suffrages, soit du Parlement, soit de la population par référendum. Par ailleurs, le débat a fait ressortir l'exigence des Français pour lé réforme des institutions de l'Etat. Ainsi, 74 % des contributeurs demandent une dose de proportionnelle, essentiellement à l'Assemblée nationale française, le maintien du non-cumul des mandats et la réduction du nombre de parlementaires ou la prise en compte du vote blanc. Pour le référendum, 80 % sont favorables au niveau local 53 % pour son usage au niveau national. En attendant que le président Macron se prononce, les "gilets jaunes" sont toujours mobilisés et ne semblent pas abdiquer, alors que, selon un sondage Elabe, 70 % des Français estiment que le "grand débat national" ne permettra pas une sortie de crise. En outre, 55 % des personnes interrogées estiment également que le grand débat ne permettra pas d'améliorer la participation des citoyens aux décisions. Des chiffres qui montrent clairement le climat de doute installé entre les Français et leurs gouvernants, estiment des observateurs.