Hier encore, le sujet était sur toutes les lèvres. C'est jeudi que les quelque 500.000 électeurs de la wilaya de Béjaïa vont donner leur verdict concernant les prochains élus qui vont gérer leur quotidien durant les 18 mois qui restent au mandat actuel des collectivités locales. Après 21 jours d'une campagne officielle, les citoyens en âge de voter vont s'exprimer certainement pour l'une des listes présentes dans leurs communes respectives. Hier encore, le sujet était sur toutes les lèvres. Au-delà du caractère exceptionnel de ce scrutin, c'est le retour à la légalité qui est saluée par l'homme de la rue. Fatigué des suites d'une crise qui a failli aboutir au pire, le simple citoyen se sent concerné par les joutes actuelles, même si l'habitude de bouder les urnes reste présente dans les esprits. Il faut dire qu'ici en Kabylie, l'anathème et les injures n'ont pas encore tout à fait disparu dans les esprits. Renouer avec le geste de glisser le bulletin de vote dans l'urne ne fait que s'amorcer. Ce qui est sûr à présent, c'est que les gens vont voter. Car «il est nécessaire de doter les communes de responsables, même si le choix n'est pas celui du roi», disait, hier, un étudiant de l'université de Béjaïa. Un constat qui reste partagé par de nombreux citoyens accostés hier. La courte durée du mandat (18 mois) n'a pas incité les grosses pointures à se bousculer pour la constitution des listes. «Même les partis n'ont pas opté pour des candidats en mesure de redresser le retard accusé en matière de développement», explique ce commerçant qui ajoute: «Pour une élection locale, le choix devait être basé sur la compétence», mais regrette-t-il, «les partis continuent à opter pour des gens populaires qui ne sont pas forcément compétents». «Un inconvénient mineur», pour ce citoyen d'El Kseur, ville où le scrutin risque encore une fois d'être boudé. Comme beaucoup de gens de cette localité, l'essentiel est que «la ville ait un maire» et que «la situation se normalise». Dans la soirée de lundi, la société civile est sortie de sa réserve pour contrer cette volonté de saborder le scrutin, affichée par quelques-uns sous la houlette d'Ali Gherbi. Dans un appel placardé sur les murs de la ville, les citoyens sont appelés «à bannir toutes formes de violence et à voter massivement demain». Au-delà du choix des candidats, le souci ressenti chez les citoyens est incontestablement de mettre fin à une situation singulière qui a porté sérieusement préjudice au développement local. Dans toutes les localités visitées hier, les gens parlent du scrutin comme d'un événement exceptionnel, même si l'enthousiasme d'autrefois n'est pas de mise. «C'est une nouvelle expérience après un vide de quatre ans», soutient ce jeune d'Akbou qui note avec plaisir la présence des femmes concourir afin de gérer le quotidien local. Au-delà de cette ouverture, oeuvre du FLN, ce qui semble ne pas être du goût des citoyens en général, reste ce message véhiculé par les partis traditionnellement influents dans la région. «La guéguerre FFS-RCD a refait surface dans un discours politique dont l'objet est loin d'être la préoccupation citoyenne», souligne ce libraire à Béjaïa. «On a l'impression que les chefs de partis ont la tête ailleurs», appuie ce client tout en feuilletant un journal. Invité à donner plus de précisions, il ajoutera: «Le discours est placé dans l'optique des législatives de 2007», en citant les attaques contre le pouvoir, la fraude soulevée partout dans une région réputée pourtant pour la crédibilité de tous les scrutins passés. De tous les commentaires entendus hier, l'essentiel est que les joutes électorales reprennent leur droit de cité. Le reste n'est qu'une affaire de temps. Entendre par là que même si la participation n'est pas de mise et que les choix ne sont pas à la hauteur, l'essentiel est le retour de la sérénité et la dotation des assemblées locales d'élus. Alors, les gens vont-ils voter? La réponse ne peut être que oui, même si le taux de participation variera d'une commune à une autre en raison de la qualité des postulants, beaucoup plus que pour d'autres raisons. Des incidents sont à craindre à Tazmalt où la bataille est rude, à El Kseur où le scrutin n'agrée pas tout le monde. Mais dans l'ensemble, la sérénité régnera, comme ce fut le cas durant les 21 jours de campagne électorale officielle.