Ce qui inquiète le plus les partis traditionnellement ancrés en Kabylie, c'est la présence en force des listes indépendantes. Assistera-t-on, aujourd'hui à un séisme politique en Kabylie? Pour l'anecdote, les secousses telluriques de lundi et mercredi derniers, ne sont pas pour rassurer les partis locaux, dont un militant est allé sur une pointe d'humour jusqu'à s'interroger si elles ne sont pas un signe prémonitoire d'un raz- de-marée des «partis du pouvoir». Il est clair que toutes les questions s'imposent pour un scrutin pas comme les autres. D'abord pour le fait que la campagne électorale ne soit pas couverte par les médias publics et ensuite, parce que, contrairement aux autres rendez-vous précédents, cette campagne n'a pas été financée, bien que le chef de l'Exécutif affirme que l'enveloppe était «prévue» dans le cadre de la dernière loi de finances complémentaire. Comme prévoir n'est pas forcément recevoir, des partis politiques en lice, notamment le Parti des travailleurs se sont plaints de l'absence de financement de la campagne. Ce qui les a contraints de compter sur leurs propres moyens, notamment les contributions des militants. Cependant, pourquoi le scrutin est entouré de suspicion? Et pourquoi à la veille du scrutin le RCD et le FFS avaient brandi l'épouvantail de la fraude; un concept qui, lors des précédentes élections étaient pratiquement banni du lexique de ces formations politiques, du moins pour ce qui est de la Kabylie? Qu'est-ce qui aurait donc motivé une telle attitude ? Pour trouver la réponse, il faut remonter jusqu'aux élections présidentielles d'Avril 1999, que le parti de Saïd Sadi avait carrément boycottées, arguant du fait qu'il n'était pas prêt de participer à «la dernière fraude du siècle.» Pourtant, quelques jours plus tard, le parti de Saïd Sadi, prendra tout le monde à contre-pied, en annonçant sa participation au gouvernement, issu bien entendu de la présidentielle qu'il avait boycottée. Avant de se retrouver lors des événements d'avril 2001 face à une situation embarrassante: rester au gouvernement et s'exposer à la vindicte populaire ou carrément se retirer. Les résultats ne se sont pas fait attendre, trois années plus tard. Après avoir boycotté les élections locales de 2002, voulant s'en doute se refaire une virginité du fait de son passage controversé au gouvernement, Sadi essuiera un revers cinglant à l'élection présidentielle d'avril 2004. D'ailleurs, les événements du Printemps noir, menés par un mouvement citoyen qui a voulu en découdre avec les formations politiques, ont donné le coup de grâce à ces dernières. Une autre incohérence est à relever du côté du RCD, celle de boycotter les élections locales, pour en fin de compte participer aux partielles issues du même processus. Tant d'éléments, ayant lourdement pesé sur l'appréciation de la rue des positions des uns et des autres. Sur un autre chapitre, les accusations du parti de Hocine Aït Ahmed à l'égard des archs, les qualifiant de création des «moukhabarate» a contribué à l'élargissement du fossé entre la rue kabyle et les formations politiques. Ce qui a offert l'occasion inespérée à d‘autres formations politiques de s'implanter dans la région, à l'image du FLN, du RND et à un degré moindre, du PT et de l'UDR. Il est donc clair que ce qui inquiète le plus les partis traditionnellement ancrés en Kabylie, c'est la présence en force des listes indépendantes. Au point où le RCD soupçonne les archs, dialoguistes, notamment de cautionner ces listes. Pis, alors que le parti de Louisa Hanoune affirme que les partielles ont été imposées de l'étranger, le FFS et le RCD crient à la fraude tout en reprochant aux ministres des formations impliquées dans le scrutin de se rendre dans la région et de mener une campagne à coup de projets de développement. C'est là où réside justement la crainte des formations de Hocine Aït Ahmed et Saïd Sadi, qui ne feront que récolter le fruit de leurs luttes stériles, au détriment des aspirations de la population.