Une activité pratiquée au vu et au su de tout le monde. La région de Djelfa compte certainement parmi celles qui possèdent la plus importante part de marché nationale de la viande ovine, si elle n'occupe pas le premier rang. La raison en est simple et il faut remonter aux temps immémoriaux pour savoir que l'activité pastorale était l'unique moyen de subsistance des peuples du haut Atlas. Ce métier continue à ce jour de résister aux transformations sociales et même davantage, il se développe de manière extraordinaire. Mais autrefois c'était chacun son métier et ainsi, les professions étaient bel et bien respectées. On comptait distinctement les éleveurs, les maquignons, les chevillards et enfin les bouchers. Aujourd'hui, l'on assiste à une confusion telle, que chacun y va du désir de mettre les bouchées doubles en associant tous les segments, quatre en un, puisque l'on est arrivé à cette prouesse qu'on conclut en beauté par la prise en charge personnelle du transport des bêtes abattues, pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin, en faisant fi des règles les plus élémentaires en matière d'hygiène : en abattant les bêtes soi-même et même chez soi, sans passer par l'abattoir municipal. Après tout, la règle de l'estampillage, c'est de la foutaise et l'organe qui a la charge d'en contrôler l'application, un piètre épouvantail. A se demander ce que font les services vétérinaires de l'Etat surtout, ce pourquoi existe l'association de défense des droits des consommateurs. En définitive, le phénomène de l'abattage clandestin prend incontestablement une dimension effrayante, et si jusque-là, on n'a pas enregistré des cas d'empoisonnement alimentaire, ce n'est pas qu'il n'y en a jamais eu, mais parce que dans la région, la majorité de ces cas passent inaperçus, même le cas d'un décès serait imputable à la fatalité. En outre, les statistiques sur les causes de la mortalité ne sont pas encore du domaine public. Il est vrai que le marché de l'abattage est détenu par un adjudicataire qui fait bien ses comptes. En ayant accepté que ce chapitre, qu'il sait par expérience ingérable, l'adjudicataire table sur le reste, considérant les droits de l'abattage comme seulement un manque à gagner. Par ailleurs, la commune perçoit sa taxe sur l'abattage bien qu'insignifiante et dans cette histoire c'est le consommateur qui en pâtit. Il y a une vingtaine d'années, on abattait officiellement plus d'un millier de bêtes, alors que la population était dix fois moins importante, actuellement, on recense un chiffre nettement moindre. Il faut souligner que cette activité clandestine est pratiquée au vu et au su de tout le monde à tel point que plus personne ne lui reconnaît de caractère prohibitif ! Mieux encore, on oublie jusqu'à la formalité de vérifier son existence commerciale. On allait presque manquer de dire que ces polyvalents sont également fournisseurs de viande aux bouchers légalement installés, grâce à leur force de vente et aux desseins de ces derniers de flouer les impôts. Qui osera les défier? Inutile de perdre son temps à faire des investigations, ils ont pignon sur rue. Ce sont les nouveaux maîtres de la discipline car ils ont su conjuguer la malice paysanne avec l'intelligence des villes. A chacun de comprendre comme bon lui semble.