C'est en Afrique que Jean Rouch a pu se faire des amis et servir ainsi sa mission autant qu'il pouvait. Filmait- il vraiment les Africains comme l'avait souligné dans un sursaut de colère Sembene Ousmane, «comme des insectes?». Il faut voir «Jean Rouch, cinéaste africain» film ivoirien de Idriss Diabate, pour le savoir. Ce réalisateur français qui aimait rentrer par les fenêtres quand il se faisait renvoyer par la porte, avait fait des traditions et mode de vie africaines sa raison d'être. Cinéaste et ethnologue, homme curieux, aussi bien libre dans sa tête que drôle, il avait pour passion le cinéma et le patrimoine africain, à échelle humaine avant tout. C'est pourquoi il se plaisait à former des gens et ces derniers de lui apprendre beaucoup sur leur culture et savoir-vivre. Jean Rouch ou le cinéma libre C'est en Afrique que Jean Rouch a pu se faire des amis et servir ainsi sa mission autant qu'il pouvait en créant un centre de recherche pour faire un cinéma libre et pas d'information guidé par les gouvernements. Entre documentaire et fiction, il fait partie des pionniers qui ont su évoquer les migrations, les rites de transe, ou encore dénoncer le racisme dans les lycées mixtes. Grâce à des témoignages et des images d'archives précieuses, filmées au Niger en 1977-1978 par le cinéaste Philo Bregstein, l'on découvre un cinéaste qui a su immortaliser des rites qui aujourd'hui, tendent à disparaître en Afrique. Pour Jean Rouch, il était important de filmer pour garder des traces pour les futures générations, mais surtout de pouvoir être libre, car le cinéma ne pouvait se concevoir autrement que par l'imprévu, l'imagination et des amitiés fidèles. Certaines d'entre elles, se souvenaient encore dans ce documentaire du grand apport de Jean Rouch pour l'enregistrement de la mémoire africaine. C'est ainsi que beaucoup de jeunes cinéastes se sont formés grâce à lui, notamment dans le son et se sont retrouvés grâce à lui, embarqués dans l'aventure du cinéma. Projeté au cinéma Neerwaya, le film est en compétition pour l'Etalon d'or du meilleur documentaire. A noter que le Fespaco ce n'est pas que des projections, mais des expositions, notamment à l'Institut français, dont une qui revient sur les plus grandes figures du cinéma africain, mais aussi des soirées animées tous les soirs dans le centre-ville, sous la haute vigilance des agents de sécurité, mais il y a aussi le Mica, le grand marché inter national du cinéma et de la télévision, créé pour donner au Fespaco une tribune de rencontres professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel. Ce marché qui ne désemplit pas chaque jour, est constitué d'un panel de programmes audiovisuels africains et sur l'Afrique. A l'image du marché du film au festival de Cannes, on y vient pour faire des rencontres, signer éventuellement des contrats, voire des films et même assister à des conférences. Le Mica demeure depuis 1983 un espace privilégié de promotion du cinéma africain et d'échanges entre producteurs, distributeurs et diffuseurs. Pour cette édition, le Mica, qui se tient tout au long du Fespaco, est ouvert aux films et exposants. Outre la promotion des films longs métrages, il assure aussi celle des vidéos (court métrages, documentaires, séries et sitcoms) de réalisation ou de production africaine, de provenance du monde entier. Noire n'est pas mon métier Le Fespaco c'est aussi des soirées spéciales dont une organisée cette année à l'adresse des célébrités et autres stars du grand comme du petit écran. Le 24 février dernier, les 50 comédiens du continent, qui font bouger le cinéma ces dernières années, ont reçu des récompenses. La cérémonie de remise des prix a eu lieu en présence de la Première Dame du Fespaco, madame Sika Kaboré, du ministre de la Culture du Burkina Faso et son collègue du Rwanda (pays d'honneur), ainsi que du maire de Ouagadougou. Aïssa Maïga est une comédienne française, née le 25 mai 1975 à Dakar au Sénégal. Elle a révélé au grand public français en 2005 par son rôle de Kassia, dans Les Poupées russes de Cédric Klapisch, et celui de Farida dans L'un reste, l'autre part de Claude Berri. Rencontrée lors de cette prestigieuse soirée, elle nous confiera «je tenais à être là pour des raisons à la fois personnelles et professionnelles. Le propre de ce festival c'est qu'il y a une forte dose émotionnelle. Nous avons un attachement très fort au Fespaco, malgré le peu de moyens, on a envie d'être là. On aimerait bien d'ailleurs qu'il y ait lieu tous les ans. Peut-être que la production cinématographique africaine et de la diaspora amènera à justifier le fait d'un Fespaco tout les ans. Il y a une vraie sélection panafricaine de films et qui inclut aussi la diaspora. C'est riche.»A propos de la place de la femme au Fespaco, notre interlocutrice regrettera le manque de représentativité de la femme dans la sélection filmique: «Ils doivent revoir leur copie.» On se souvient l'année dernière de Aissa Maiga aux montées des marches avec ses camarades d'Actrice noire. Le motif de cet événement, la sortie du livre Noire n'est pas mon métier. A ce propos, Aïssa Maiga nous dira: «C'est un livre qui parle de la diversité au cinéma français à travers l'expérience des comédiennes femmes noires. C'est un livre de témoignages, assez coup de poing, car chacune a révélé ce par quoi elle passe en tant que femme en tant que non-Blanche dans le cinéma» et d'ajouter: «Les gens de la profession sont prêts. Il faut simplement arriver aujourd'hui à traduire en actes clairs, rationnels et pragmatiques cette volonté de changement, qui est partout dans la société.» A propos du cinéma, qui reste un peu à la traîne en Afrique, notre interlocutrice fera remarquer qu' «il faudra mettre plus de moyens pour la formation. Il y a peu d'écoles dans la région ouest africaine. A l'échelle du continent, le nombre d'écoles de cinéma est dérisoire».