Belaïz a reconnu les limites du système carcéral algérien. «Les établissements pénitentiaires en Algérie enregistrent un manque gravissime en matière de sécurité». Ce constat n'est pas tiré d'un rapport élaboré par une ONG internationale, mais bien du discours du ministre de la Justice, garde des Sceaux, M.Tayeb Belaïz, prononcé, hier, à l'ouverture du séminaire international sur l'architecture carcérale, tenu à l'hôtel Mercure. Belaïz reconnaît donc les limites du système carcéral algérien et promet son amélioration dans le cadre des réformes de l'appareil judiciaire. Mais en attendant la concrétisation des objectifs de cette démarche politique sur le terrain, le constat reste très peu reluisant. Les chiffres très motivants avancés par le premier responsable du secteur, ayant trait entre autres, à la réalisation de 51 établissements pénitentiaires répondant aux normes internationales d'ici 2009, s'ébrèchent face à une autre réalité. En effet, il faut savoir que l'Algérie compte 127 établissements pénitentiaires. L'Etat algérien n'en a réalisé que 51 depuis 1962. 76 ont été construits avant 1962 dont 59 avant 1900. C'est-à-dire plus de la moitié de ces établissements ont été construits avant l'indépendance, reflétant ainsi une vétusté criante du parc immobilier carcéral. Les délinquants, les criminels sont écroués dans de véritable prisons de guerre. «La vétusté, l'exiguïté et la conception de ces infrastructures sont autant de facteurs qui engendrent des dépenses colossales et qui alourdissent le budget de l'Etat», a expliqué M.Hamel, cadre au niveau du ministère de tutelle, qui opte plutôt pour la fermeture définitive de ces établissements. A titre indicatif, il est à noter que les travaux de réfection, de confortement et d'aménagement ont coûté au budget de l'Etat, 300 millions de DA, en 2003, 410 millions en 2004 et 400 millions en 2005. Par ailleurs, le directeur des centres pénitentiaires au ministère de la Justice, M.Felioune Mokhtar, nous a précisé, en marge de cette rencontre, qu'une instruction gouvernementale a sommé les différentes autorités concernées à achever la réalisation des 51 nouveaux établissements pénitentiaires avant 2009. L'on apprend, dans ce sens, que la prison de Serkadji sera la première à être fermée. Dans le cadre de cet ambitieux projet, il a été arrêté une short-liste de 12 bureaux d'études algériens et étrangers, après avis de présélection national et international. La problématique qui se pose à la commission technique multidisciplinaire installée à cet effet est comment concilier les deux objectifs essentiels, à savoir : garantir la sécurité et faire en sorte que ces espaces favorisent la réinsertion sociale du détenu et de s'amender, pour atténuer le phénomène de la récidive. Où construire? Pour quelle population carcérale? Quel type de conception? Et enfin quelle mission doit remplir l'établissement pénitentiaire? Autant de préoccupations qui alimentent le travail de ladite commission. «La conception de l'établissement pénitentiaire moderne aura pour but de résorber les anciennes connotations carcérales et de faire en sorte que cet établissement ait un caractère humain, dissuasif et sécurisant», affirme M.Hamel. Sachant que le coût de réalisation d'un établissement pénitentiaire est élevé, il est opportun, selon ce même responsable, «de réfléchir mûrement à la formule la moins onéreuse». A titre indicatif , il y a lieu de dire que durant ces dernières années, le coût de réalisation d'un établissement pénitentiaire était calculé sur la base d' un montant estimé à 1 million de DA par détenu. «Ce qui est insuffisant», selon l'orateur. Pour faire face au surpeuplement des prisons, les responsables envisagent des amendements au code pénal permettant le recours à de «nouveaux types de peines, notamment les travaux d'intérêt général», selon un cadre du ministère de la Justice, pour qui ces mesures «élimineront totalement le problème du surpeuplement». Parallèlement, et grâce à la célérité dans le traitement des affaires judiciaires, le nombre de personnes en détention provisoire ne cesse de chuter passant en une année de 13 à moins de 11% , sur l'ensemble de la population carcérale. Dans le même chapitre, le chef de cabinet du ministère de la Justice, M.Abdelkader Sahraoui, a déclaré dans un entretien à la Chaîne III de la Radio nationale que «la réforme de la justice a impulsé l'amélioration des droits de l'homme en Algérie, notamment ceux des détenus». Il a souligné, notamment que «la situation des prisons algériennes connaît une révolution», notamment depuis la promulgation, en février dernier, de la loi sur l'organisation des établissements pénitentiaires et la réinsertion des détenus, qui introduit des mesures de gestion des prisons et des populations carcérales conformes aux standards internationaux, M.Sahraoui a tenu un discours différent de celui tenu par le ministre. Il précisera entre autres que les centres de détention ont été renforcés côté sécurité, par l'introduction d'équipements anti-incendie de toute nature, pour faire face à d'éventuels sinistres. Par ailleurs, les lieux de garde à vue dans les commissariats et les locaux de la Gendarmerie nationale et les pénitenciers sont ouverts aux visites parfois inopinées d'ONG nationales et internationales. Dans cet ordre d'idées, un représentant du Pnud a salué hier «l'engagement du gouvernement algérien dans l'entreprise exemplaire de réforme de la justice et des centres pénitentiaires».