Rapt, intimidations et manipulations, l'Algérie connaît, depuis quelques mois, l'émergence de nouveaux phénomènes. Le climat politique commence a être sérieusement malsain vu ces pratiques qui relèvent davantage du droit commun que du jeu politique. Boudiar rançonné, Sadi menacé, Bouhadef intimidé, Ghozali filé, Djaballah persécuté... les exemples se multiplient a fur et à mesure que les élections approchent. Une mafia politique, instrumentalisant des hommes de main recrutés dans le grand banditisme, le terrorisme ou la délinquance agissent et risquent de transformer l'Algérie en une Nouvelle Russie et sa Mafia rouge, ou la Colombie et ses narcotrafiquants. L'affaire de cette femme qui a été kidnappée et obligée, selon ses propos, de déposer la bombe de Tafourah, en est la nouvelle illustration. En Colombie, en Russie ou aux Philippines, le kidnapping est devenu une activité florissante qui, selon le département d'Etat américain, représente 15% des actes terroristes internationaux. Il s'inscrit dans le cadre d'un conflit national ou d'un mouvement révolutionnaire, dont le seul but est d'obtenir un large écho médiatique. Chez nous, le chantage, l'intimidation ou le rapt de personnalités est une nouvelle pratique criminelle, même s'ils diffèrent en objectif, par rapport au style de kidnapping connu et recensé. Le premier cas vécu par l'Algérie et qui a été largement médiatisé reste l'enlèvement de Matoub Lounès en 1994. Cet enlèvement avait, à ce moment-là, suscité un large débat sur la sécurité des personnes et en particulier, des chefs politiques et des personnalités publiques. L'Etat avait alors mis à la disposition des chefs de partis une escorte de deux gardes du corps et une arme de poing pour toute personnalité importante avocat, procureur, juge, directeur de journal, industriel, responsable de parti, député ou responsable d'entreprise. Même si les hommes d'affaires sont les plus «solvables» comme proie, en Algérie, ce sont les hommes politiques qui sont la principale cible de cette mafia. A l'époque, le terrorisme constituait la seule menace apparente pour ces personnalités, négligeant l'aspect mafieux et criminel du banditisme. D'ailleurs, plusieurs actes criminels ont été attribués aux terroristes faute de pistes sérieuses, ce qui a encore encouragé leur multiplication et dilué le problème de l'existence de gangs liés au politique. Autre cas d'enlèvement recensé dans ce tourbillon de rapts et sans doute le plus édifiant et le plus mystérieux, reste le kidnapping du sénateur du tiers présidentiel, Boudiar, au début du mois de juillet 2001, intercepté lors d'un faux barrage, en compagnie de deux grands commerçants de la région de Bir el-Ater. Lors de cette affaire, qui a tenu en haleine toute la presse, aucune exigence financière ou revendication politique n'a été ouvertement formulée par les éléments du Gspc, tenus pour responsables du rapt du sénateur, contrairement aux habitudes connues des auteurs d'un kidnapping. Lors de sa libération, Boudiar a déclaré à une certaine presse qu'il a été jugé par un tribunal islamiste et qu'il a été acquitté. Une justification insignifiante quand on connaît le poids du personnage dans la région de Bir el-Ater, connue pour être la plaque tournante de trafic en tout genre et en particulier de voitures de luxe en provenance des pays de l'Est. Cette affaire de kidnapping a surtout donné des idées à certains cercles du grand banditisme, qui veulent ainsi brouiller les cartes de la donne, associant terrorisme au grand banditisme et criminalité apolitique. Mais la grande crainte provient de la classe politique et de ses dirigeants qui redoutent, de plus en plus, les enlèvements, intimidations et assassinats. C'est le cas, notamment, du président du RCD, Saïd Sadi, qui a fait une sortie médiatique fracassante, lors du forum d'El-Youm du 29 octobre 2001, en déclarant qu'un militant du RCD avait été enlevé par un des services de sécurité et poussé à accomplir un attentat contre sa personne. Le président du RCD a été entendu par le procureur de Tizi Ouzou, le 10 décembre dernier, et l'affaire est en justice. Une affaire qui a suscité un large débat dans la classe politique qui s'interroge sur les dessous de ces accusations contre un service important de la sécurité du pays. Auparavant, d'autres personnalités politiques, qui ne partagent pas du tout la vision du leader du RCD, s'associent pour dire qu'elles sont, elles aussi, menacées. C'est le cas notamment de Sid Ahmed Ghozali, Abdallah Djaballah, Louisa Hanoune, Ahmed Djeddaï et, tout dernièrement, le chef du groupe parlementaire du FFS, Mustapha Bouhadef. Tous dénoncent les différents actes d'intimidation et de harcèlement dont eux et leurs familles ont fait l'objet. Il y a quelques années, c'est la fille même du premier secrétaire du FFS, M.Djeddaï, qui a failli être enlevée. Alors, acte terroriste, complot de clans rivaux, grand banditisme ou simple coup de pub politique, à l'approche des élections? Les réponses sont, chaque fois, plus difficiles à apporter. Aujourd'hui plus qu'hier, la sécurité des personnalités importantes est mise à l'index, les forces de sécurité, qui se font un point d'honneur de poursuivre les auteurs véritables de ces actes et intimidations doivent mettre un terme à une polémique qui n'a que trop duré.