L'ire et la crispation se lisaient sur les visages des manifestants qui ne lâchent pas du lest. «Ni Belaïz ni Bensalah ni la «houkouma» des massalihs (gouvernement des intérêts, Ndlr). Tel a été le slogan principal scandé par des étudiants sortis en force hier matin dès que Bensalah a été intronisé à la tète de la magistrature suprême du pays, pour une durée de 90 jours. Ayant à peine repris les bancs des amphis que les étudiants ont repris, en force, le mouvement de protestation en sortant hier manifester leur colère suite à l'évolution et les tournures que prend la scène politique nationale, tout en revendiquant le départ immédiat et inconditionnel de tous les symboles du système représentés par les 3 «B», «Bedoui-Belaïz-Bensalah». Ce dernier, controversé et très critiqué par les marcheurs, représente, à plus d'un titre, la source principale de la colère populaire. Pour les manifestants d'hier, son intronisation, pour une durée de 90 jours, constitue une énième provocation, contre le peuple revendiquant leur départ. S'en remettant à la Constitution, des manifestants ont estimé que ce sont «ces symboles du système qui ont mis en place cette Constitution pour la bafouer». Il s'agit très précisément des articles 7 et 8, consacrant le droit au peuple d'élire ses représentants. Ces articles, selon des marcheurs, «ne sont pas respectés», d'où l'ire et la crispation perceptible se lisant sur les visages des manifestants, mais sans toutefois qu'ils renoncent ni lâchent du lest. «Nous sommes plutôt déterminés à poursuivre nos marches pacifiques jusqu'à l'arrachage, à partir des racines, des tenants du système bouteflikien», dira une jeune étudiante. A ce sujet qui porte bien son nom, des manifestants ne voient en rien venir le changement après le départ de Bouteflika, pour que ce dernier soit remplacé par son fidèle lieutenant, Bensalah. Le changement est, chez plus d'un manifestant, «le déblaiement des restes du système et de tous les symboles le représentant, à commencer par Bensalah, puis Belaïz et Bedoui». D'ailleurs, estime-t-on, «l'intronisation de Bensalah est une autre forme d'alternance des apparatchiks du pouvoir que l'on ambitionne de réduire à néant, avant d'instaurer la République de toutes les libertés, des droits et de la démocratie réelle». Au vu des évolutions de la crise politique que traverse l'Algérie, il n'augure rien de bon le futur prochain, vu le maintien en place du système, hormis la démission de Bouteflika. Des manifestants se retrouvent, disent-ils, devant le fait accompli, en inscrivant leur mouvement dans la durée, tout en multipliant les marches et les rassemblements pacifiques jusqu'à la satisfaction pleine et entière de leurs revendications tournant essentiellement autour du départ total du système et le passage sans aucun fléchissement, vers la mise en place de la IIe République. «Nous 'vendredirons'', encore une fois, en fin de semaine haut et fort notre mot», ironise un étudiant ayant trouvé juste d'introduire le mot «vendredire» dans les dictionnaires Larousse et le Petit Robert. Ainsi donc, le bout du tunnel n'est pas pour demain, vu la situation qui se corse de jour en jour.