Le pouvoir s'accroche à la succession sous la conduite de Bensalah, alors que la rue jure d'aller jusqu'au bout. Un regain de tension est perceptible dans les rues d'Alger et un peu partout sur le territoire national. A peine nommé, la rue a violemment brocardé Abdelkader Bensalah. Que va- t-il se passer maintenant? Une totale incertitude. Le pouvoir s'accroche à la mise en oeuvre de la succession dans le cadre du processus constitutionnel dit «légal». Mais réussira-t-il à vendre ce plan de sortie de crise? Même pour le président de Talaie El-Hourriyet, qui avait adhéré aux propositions du chef d'état-major, a souligné hier qu'il s'agit d'une «pérennisation des résidus du régime de Bouteflika qui éloigne dangereusement l'Algérie de l'apaisement». Pour le RCD: «C'est un autre coup d'état contre la volonté populaire.» Très attendu, le chef d'Etat-major de l'armée, l'homme fort du moment, Ahmed Gaïd Salah a apporté hier son soutien au processus de transition «contrôlée» ou sous la conduite de Bensalah. Il préfère s'en tenir à «la légitimité constitutionnelle». Dans ce sens, la présidentielle devrait se dérouler, au plus tard, le 9 juillet. A cet effet, le nouveau chef d'Etat par intérim a promis qu'elle serait «transparente et régulière», à travers la mise en place d'«une instance indépendante et souveraine des élections». Cela est qualifié d'«une tentative de reprise en main de la situation par le pouvoir, qui se montre réfractaire à tout changement». En tout cas, la rue compte maintenir la pression et jure d'aller jusqu'au bout pour «changer le système». Bensalah abdiquera-t-il à son tour et concédera-t-il, enfin, la démission de son propre chef? La rue demeure encore mobilisée et refuse de faire marche arrière. Preuve en est: une foule compacte de syndicalistes, étudiants, a manifesté, hier, contre Bensalah au cri de «système dégage», «Bensalah dégage», entre les places Maurice-Audin, du 1er Mai et la Grande Poste, coeur de la contestation depuis sept semaines. «Le départ de Bouteflika, ça ne suffit pas. On veut un changement total», clament-ils. Alors que Bensalah, symbole du régime et fidèle de Bouteflika a été propulsé au sommet de l'Etat, les forces antiémeute réprimaient la huitième manifestation des étudiants à Alger-Centre à coups de bombes lacrymogènes, des canons à eau et d'interpellations. La désignation de Bensalah comme chef d'Etat, est faite au nom de l'application de l'article 102 de la Constitution, telle que suggérée par le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Mais cette procédure est très contestée par le mouvement populaire, déclenché depuis le 22 février. Je vais travailler à concrétiser les intérêts du peuple. C'est une grande responsabilité que m'impose la Constitution», a déclaré avant-hier Abdelkader Bensalah, après sa désignation. Or, les Algériens n'acceptent pas que «les hommes-clés et symboles du régime», organisent la prochaine élection et mènent la période de transition», indique-t-on. Sur les réseaux sociaux, l'indignation et la colère étaient hier à leur paroxysme.