Les manifestants ne décolèrent pas Si l'on se réfère à la réaction du Hirak après la désignation de Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat, elle fait l'objet d'un rejet catégorique. L'application stricto sensu de l'article 102 de la Constitution n'a pas apaisé la colère. Abdelaziz Bouteflika a renoncé à un cinquième mandat puis il a remis sa démission. Abdelkader Bensalah a été désigné pour assurer la période de transition pour une durée de 90 jours alors que les manifestants ont redoublé d'ardeur pour réclamer sa tête. C'est dans cette ambiance électrique qu'il a pris ses fonctions et fait sa proposition de création d'une institution collégiale souveraine qui sera chargée de préparer l'élection présidentielle. «C'est en concertation avec la classe politique et civile citoyenne que je me propose, en priorité et en urgence, de créer une institution nationale collégiale, souveraine dans ses décisions, à laquelle sera dévolue la mission de réunir les conditions nécessaires de préparation et d'organisation d'élections nationales honnêtes et transparentes», avait déclaré mardi soir le nouveau locataire d'El Mouradia dans un discours adressé à la nation. Pris intrinsèquement, un tel projet ne peut qu'être louable à partir du moment où il recèle les ingrédients nécessaires à des élections propres qui doivent conduire à l'édification d'un Etat de droit. Reste à savoir si les partis politiques, ceux de l'opposition en l'occurrence et la société civile lui réserveront un accueil favorable. Dans l'hypothèse où cette proposition sera acceptée, il ne fera nul doute qu'il sera exigé de l'actuelle administration et du ministère de l'Intérieur de ne pas y jouer un rôle majeur dans son organisation et dans son déroulement. Ces acteurs qui ont joué un rôle essentiel et pratiquement sans partage lors des précédents scrutins lorsqu'il s'est agi d'élections locales (APC/Apw) ou d'élections nationales (APN et présidentielle) ont été régulièrement accusés d'avoir organisé des fraudes massives qui ont contribué à assurer la pérennité des partis au pouvoir, le FLN et le RND, notamment qui ont alternativement dirigé les précédents gouvernements sdepuis l'arrivée au pouvoir du président Bouteflika, tout en permettant au système décrié actuel de se maintenir. C'est donc tout à fait légitimement que sera posé le problème de l'assainissement des fichiers électoraux et de la surveillance de l'urne. Au vu de cette réputation qu'elle traîne et qui lui colle à la peau, l'administration actuelle ne peut être réduite qu'à appuyer au plan logistique cette élection présidentielle décisive pour mettre définitivement l'Algérie sur les bons rails. Ceux qui doivent l'aiguiller pour qu'elle se hisse au rang de pays démocratique qui assure une justice équitable à tous ses enfants. Abdelkader Bensalah pourra-t-il orchestrer une telle opération à partir du moment où lui-même a fait partie et servi ce système au moins un quart de siècle, depuis le début de sa carrière politique? Rappelons que l'homme a présidé le Conseil national de transition (CNT) entre 1994 et 1997, suite à l'interruption du processus électoral de 1991. Une carte de visite qui a fait de lui une des «cibles» privilégiées des manifestations pacifiques qui ont décidé de faire tomber toutes les têtes qui ont affiché une proximité avec l'ancien président de la République. Si l'on se réfère à la réaction du Hirak après sa désignation à la tête de l'Etat, sa proposition fait l'objet d'un rejet catégorique. Le divorce est apparemment consommé. A moins que Abdelkader Bensalah n'abatte une carte exceptionnelle, gage d'une «cohabitation» consensuelle, qui assurerait qu'un retour au passé est définitivement révolu...