La réunion parlementaire d'aujourd'hui, si elle vient à consacrer Bensalah comme chef d'Etat pour 90 jours, serait le premier revers notable du mouvement populaire né le 22 février dernier. Selon toute vraisemblance et à moins d'un retournement de situation de dernière minute, l'actuel président du Sénat sera le chef d'Etat intérimaire et Goudjil le remplacera à son poste au perchoir de la chambre haute. Des scénarios donnent Bensalah démissionnaire dans les ultimes mètres, d'autres avancent le contraire rappelant les derniers événements qui ne sont pas dans le sens de la volonté populaire qui a exigé le départ des 4 B, Bensalah, Bedoui, Belaïz et Bouchareb. L'interdiction des rassemblements, les arrestations opérées parmi les manifestants devant le siège de la Centrale syndicale ou encore le maintien des honnis du peuple à leurs postes de responsabilité plaident pour un coup d'arrêt à la dynamique populaire demandant la chute du système. Pire, et selon des observateurs avertis de la scène nationale, l'offensive contre-révolutionnaire a bel et bien débuté pour discréditer puis faire dérailler le hirak. La réunion d'aujourd'hui n'est, en effet, que l'application stricto sensu de l'article 102 de la Constitution après la démission de Bouteflika. Un article rejeté, en l'état, par la rue et les partis de l'opposition qui attendent du chef d'état-major l'activation des articles 7 et 8 de la Constitution comme il l'avait annoncé. Si le scénario Bensalah se précise, il est fort attendu que la suite soit conforme à la logique de l'article 102 avec une présidentielle sous l'auspice du gouvernement Bedoui, ce que tout le monde redoute connaissant le passif de l'ancien ministre de l'Intérieur sous Ouyahia et surtout le profil des nouveaux ministres. L'ancien chef du gouvernement, Ali Benflis, n'a pas hésité à charger Bedoui, lors de son passage au forum d'El Moudjahid, accusant l'actuel Premier ministre d'être «l'artisan du code électoral qui a permis la fraude aux législatives et aux locales passées alors qu'il s'apprêtait à mettre en place une fraude programmée pour le cinquième mandat». Pour l'opinion générale, la désignation de Bensalah et le maintien des hommes du président à leurs postes sonnent comme un sérieux rappel à l'ordre. Les prochaines heures nous éclaireront un peu plus sur la situation même si la réunion des deux chambres d'aujourd'hui évitera de tomber dans le vide constitutionnel que tout le monde redoute.